Mariam fait partie de la nouvelle vague de jeunes filles qui ont récemment pris d’assaut les rues de la capitale et vendent leurs charmes pour subvenir aux besoins de leurs familles.
« Mais que veux-tu, il faut le faire pour trouver de quoi manger”, explique Hajara, 16 ans, en faisant les cent pas dans la rue de la Joie”, vêtue d’un pantalon moulant et d’un T-shirt, en mâchant un chewing-gum.
Toutes ces jeunes filles ont accepté de nous confier leur histoire sous le couvert de l’anonymat.
Bien que cela l’agace, Hajara doit se taper quatre clients certaines nuits. « Mais il faut le faire. C’est avec l’argent que nous gagnons que nous entretenons nos familles, du moins nous les aidons. Et puis, cela nous permet de nous habiller et de manger ».
La pénurie alimentaire est un problème récurrent à chaque période de soudure au Niger, un pays enclavé classé parmi les plus pauvres de la planète dans l’index du développement humain 2005 de l’ONU. Mais cette année, après les effets conjugués de l’invasion acridienne et de la sècheresse dont ont été victimes les pays sahéliens, les habitants de régions entières au Niger ont souffert de malnutrition sévère.
Des millions de foyers ont perdu leurs bétails et tous leurs moyens de subsistance. Pour ces jeunes filles, la survie consiste à arpenter la nuit les rues des quartiers chauds de la ville et à monnayer leurs charmes contre quelques dollars.
Les Nigériens ont connu par le passé ce type de prostitution « saisonnière » pendant les périodes de soudure.
« Lors des famines de 1974 et 1984, le même phénomène a été observé dans les villes du pays », explique Hamadou Hassa, un septuagénaire habitant un quartier périphérique de Niamey. « Dès que la famine passe, ce type de prostitution va diminuer à coup sûr ».
M. Hassa dit comprendre la situation de ces jeunes filles. « N’essayez pas de blâmer d’emblée ces jeunes femmes. Face à la famine, il est difficile d’avoir de la dignité ».
Aicha Idrissa, vendeuse au marché de Niamey éprouve aussi de l’empathie pour ces femmes.
« Je suis choquée de voir que des jeunes filles se prostituent pour survivre », déclare-t-elle. « Mais je les comprends. Elle y sont obligées ».
Mais les autres compatriotes de ces femmes sont moins indulgents.
Halilou Bakwaye, un responsable syndical, souhaiterait que les autorités face le ménage dans les rues. « Le gouvernement doit mettre en place une brigade des moeurs pour arrêter ces jeunes prostituées et leurs clients », explique-t-il. « Ces pratiques, même si elles sont courantes de nos jours, doivent changer immédiatement ».
Certains se plaignent de ces pratiques par rapport à l’Islam dans un pays majoritairement musulman.
Hajara reconnaît qu’elle est obligée de vendre son corps même si cela est humiliant et contre sa religion.
« Ce n’est pas de gaîté de coeur que je fais ce boulot », explique-t-elle. « La tradition, l’islam et même le bon sens interdisent à une femme de vendre son corps. Aujourd’hui, je me sens humiliée dans ma chair et ma dignité », a-t-elle indiqué. « Nous avons quitté notre village, ma famille et moi, sans ressources. Nous avons deux vaches, trois moutons et cinq chèvres qui ont péri à cause de la famine ».
Hajara a confié que son fiancé l’attendait au village. Elle envisage de se marier dès son retour au village.
Beaucoup de jeunes filles travaillent le jour comme domestiques. A la nuit tombée, elles se parent d’habits très provocants pour mieux faire valoir leurs atouts et arpentent les ruent de la capitale.
« Je suis employée comme bonne à tout faire chez un couple d’expatriés qui me paient 20 000 francs CFA (37 dollars américains) par mois », explique la jeune Sitta, une fille de grande taille et de teint clair, entre deux salutations échangées avec des hommes qu’elle espère aguicher.
« Ils me nourrissent, c’est vrai, mais mon salaire est trop peu pour subvenir aux besoins de ma famille. C’est pour cette raison que tu me vois ici », a-t-elle ajoutée.
Mais Sitta insiste sur le fait que si elle souhaite gagner de l’argent, elle tient avant tout à préserver sa santé.
« Je préserve d’abord ma santé », a-t-elle souligné. « Je refuse de coucher avec des hommes sans capote. Le sida, j’ai vu de cas ici à Niamey et je n’aimerai pas, pour tout l’or du monde, contracter cette maladie ».
Il n’y a pas longtemps, explique-t-elle, elle a refusé l’offre d’un homme qui lui avait proposé 10 000 francs CFA (18 dollars) pour coucher avec lui sans préservatif.
Mais ce soir les clients se font particulièrement rares pour Hajara.
“Depuis que je suis là, aucun homme ne m’a abordée. Et pourtant, je pense que je me suis bien maquillée, bien sapée ….Hier j’ai bien travaillé. J’ai pu ramener 5 000 CFA francs (9 dollars) à la maison.”
Entre-temps, à l’autre coin de la rue, Idé attend sagement Mariam, assis sur sa moto. Mariam est sa prostituée favourite. Elle lui donne entière satisfaction.
Après avoir eu un rapport sexuel en échange de quelques dollars, Idé s’en ira, mais Mariam et sa famille auront au moins de quoi faire bouillir la marmite.
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