1. Accueil
  2. East Africa
  3. Sudan

Les sanctions n'ont pas résolu des divergences plus profondes que jamais

[Cote d'Ivoire] Ivorian President Laurent Gbagbo and UN chief Kofi Annan in a rare tete-a-tete during the July 2004 accra summit. UN/Sekinde Debebe
Une rencontre l'année dernière entre le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, et le président ivoirien Laurent Gbagbo
Les Nations Unies viennent d’imposer un embargo sur la vente d’armes à la Côte d’Ivoire mais certains analystes et diplomates pensent que ces sanctions ne suffiront pas à ramener les belligérants à la table des négociations si le gouvernement et les rebelles ne montrent aucune volonté de surmonter les difficultés qui bloquent depuis des mois le processus politique.

Le président Laurent Gbagbo est catégorique : les rebelles doivent désarmer pour sortir de l’impasse politique dans laquelle se trouve la Côte d’Ivoire. Pour les forces rebelles et les autres responsables de l’opposition, le départ de Gbagbo est un préalable à la reprise des pourparlers de paix. Les deux parties tentent d’exploiter les sanctions de l’ONU votées cette semaine pour renforcer leurs arguments.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a voté à l’unanimité lundi un embargo de 13 mois sur la vente d’armes à la Côte d’Ivoire et pourrait imposer, dès le mois prochain à certains individus une interdiction de voyager et un gel des avoirs si les blocages persistaient.

Après avoir bombardé le fief des rebelles en début de mois, rompant ainsi un cessez-le-feu de 18 mois, Gbagbo a réitéré mardi sa volonté de réunifier son pays coupé en deux, -- le sud sous contrôle du gouvernement et le nord entre les mains des forces rebelles --, depuis l’échec de la tentative de coup d’état de septembre 2002.

"Le président de la République prend acte de cette résolution et assure à la communauté internationale et aux amis de la Côte d’Ivoire qu’il ne fera rien pour entraver le processus de paix pour lequel le peuple de Côte d’Ivoire a déjà consenti de nombreux sacrifices," a déclaré le porte-parole de Gbagbo dans une déclaration à la télévision nationale mardi.

"Le président de la République invite l’ONU à appliquer cette résolution avec la même rigueur aux rebelles et à entamer immédiatement le processus de désarment prévu par les accords de paix de Marcoussis."

Avec ses 6 000 casques bleus, la mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) ne cesse de répéter que son mandat n’est pas de désarmer les rebelles mais d’aider le gouvernement de transition à rétablir la paix et organiser les élections prévues en octobre 2005. Mais pour certains diplomates, une redéfinition de la mission de l’ONUCI s’impose.

"On doit travailler désormais sur des hypothèses type Sierra Leone, avec l’ONUCI qui aurait la charge du désarmement, par la force, s’il le faut," a indiqué à IRIN un diplomate occidental en poste à Abidjan.
Il a précisé qu’Alan Doss, l’actuel numéro deux de l’ONUCI, a eu à gérer le processus de désarmement en Sierra Leone après près de dix années de guerre civile.

Les rebelles devaient commencer à désarmer le 15 octobre dernier, avant de refuser en raison du peu d’avancée dans le vote des réformes politiques censées précéder le désarmement.

Les obstacles au désarmement

Guillaume Soro, le chef des Forces nouvelles, a accueilli favorablement mardi la résolution de l’ONU, mais il a prévenu qu’on était encore loin du désarmement.

"Les Forces nouvelles se félicitent du vote de l’embargo immédiat sur les armes, puisque nous l’avions demandé dès la signature des accords de Marcoussis 2003," a dit Soro à IRIN, joint par téléphone depuis son quartier général de Bouaké, dans le centre de la Côte d’Ivoire.
"Seul le départ de Gbagbo permettra une transition politique en Côte d’Ivoire," a t-il ajouté. "Nous désarmerons immédiatement si Gbagbo s’en va. Il n’y aura plus d’obstacles pour que les réformes soient adoptées.»

Certains analystes reconnaissent toutefois que les sanctions de l’ONU n’éviteront pas l’entrée d’armes légères en Côte d’Ivoire compte tenu de la porosité des frontières. Mais elles empêcheront probablement le président Gbagbo de remplacer les avions de combats détruits par l’armée française en représailles à la mort de neufs soldats français.

"Si vous pouvez faire passer clandestinement des camions de café, vous pouvez certainement faire entrer des armes, en les faisant passer pour une autre marchandise," a indiqué Colin Waugh de Chatham House, un centre de recherche indépendant basé à Londres.

"Si on tient compte de la situation géographique de la Côte d’Ivoire, des pays voisins et des précédents embargos appliqués dans la région, je pense que l’impact de cet embargo sera négligeable," a t-il ajouté.

Au Libéria voisin, par exemple, des armes continuaient à entrer dans le pays jusqu’à la fin de la guerre civile en 2003 et ce malgré l’embargo imposé deux années plus tôt.
Selon certains analystes, la frontière entre le Liberia et la Côte d'Ivoire est un réel sujet de préoccupation pour les forces de maintien de la paix de l’ONU qui ne peuvent la contrôler sur toute sa longueur.

Mais s’il est vrai que la plupart des analystes s’accordent à reconnaître l’effet dissuasif des sanctions de l’ONU sur la volonté de réarmement du président Gbagbo, les opinions sont très partagées quant à l’impact de ces sanctions sur le processus diplomatique.

Selon un analyste basé en France et qui a tenu à garder l’anonymat, la résolution soutenue par la France fait le jeu des deux parties en conflit.

"(Les sanctions) ne conduiront pas à l’affaiblissement du président Gbagbo, bien au contraire. C’est un répertoire bien connu du FPI, qui se voit comme une forteresse assiégée," a t-il indiqué.
"On assiste à la diabolisation du régime d’Abidjan, ce qui fait le jeu des Forces Nouvelles qui peuvent pousser leur avantage puisque aucune pression n’est faite sur eux."

D’autres observateurs pensent que les sanctions ont au moins permis d’obtenir un consensus des chefs d’état africains de l’Union Africaine (UA), qui ont appelé le Conseil de sécurité des Nations Unies à imposer immédiatement l’embargo sur les armes plutôt que le 10 décembre, comme cela avait été envisagé.

L’inquiétude des chefs d’état africains

Craignant que le conflit ivoirien n’ait des répercussions dans les pays voisins, les chefs d’état du Nigeria, du Sénégal, du Togo, du Burkina Faso, du Bénin et du Ghana ont tenu une réunion de crise samedi et apporté tout leur soutien à l’action de la communauté internationale.

"La perte du soutien de l’Union Africaine a eu un impact psychologique très important sur Gbagbo. Elle lui a coupé l’herbe sous les pieds," a expliqué Morrison, le directeur du programme Afrique au Centre d’études stratégiques et internationales de Washington.

Selon Mike McGovern, le directeur pour l’Afrique de l’ouest d’International Crisis Group, une organisation internationale basée à Bruxelles, la deuxième série de sanctions, qui pourrait être votée le 15 décembre, à de quoi inquiéter les principaux acteurs de la crise ivoirienne.

"Une liste de noms de personnalité sera établie, ce qui signifie qu’ils ont constitué des dossiers sur ces personnes. Il suffira ensuite de transmettre ces dossier au tribunal pénal international (TPI)," a indiqué McGovern.

Selon McGovern, les chefs d’état de l’UA ou de la Communauté économique des états d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) vont certainement prendre le relais.

"Il semble important que l’UA et la CEDEAO prennent les devants car les relations entre la France et le gouvernement de Gbagbo sont très tendues," a t-il conclu.

Après la destruction des moyens aériens de l’armée ivoirienne, des manifestations contre les Français ont éclaté dans les rues d’Abidjan. Des maisons d’expatriés ont été pillées, des commerces ont été incendiés, des femmes violées et des hommes agressés. Les autorités ivoiriennes ont indiqué que l’armée française avait tué des manifestants.

A la suite de ces manifestations, plus de 7 000 ressortissants étrangers ont quitté la Côte d’Ivoire.

Mercredi, le Conseil de la paix et de la sécurité de l’UA a convoqué en urgence une réunion des chefs d’état "pour examiner l’évolution de la situation en Côte d'Ivoire et convenir des mesures à prendre pour rétablir la paix et la sécurité dans ce pays."

Mais il reste à déterminer comment les chefs d’état africains amèneront les parties en conflit en Côte d’Ivoire à faire la paix. En juillet dernier, ils étaient déjà réunis avec le secrétaire général de l’ONU Koffi Annan à Accra, la capitale ghanéenne. Gbagbo avait alors promis d’appliquer les réformes politiques et les rebelles s’étaient engagés à désarmer le 15 octobre.

Depuis deux semaines, Thabo Mbeki, le président sud-africain mandaté par l’UA, s’est rendu à Abidjan pour rencontrer Gbagbo et a reçu à Pretoria plusieurs responsables de l’opposition. Toutefois, rien de concret n’a encore émergé des ces consultations.

Soro n’a pas pris part à ces consultations, mais le porte-parole de Mbeki a indiqué à IRIN mercredi que le chef des Forces rebelles était attendu samedi en Afrique du Sud, bouclant ainsi la série de consultations menées par Mbeki.

Auparavant, Soro envisage de rencontrer certains chefs d’état de l’Afrique de l’Ouest. Il a confié à IRIN que sa tournée commencera jeudi par le président togolais Gnassingbe Eyadema.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join