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Je suis contre la guerre, mais ne le répétez pas.

[Cote d'Ivoire] Volunteers of the pro-Gbagbo GPP militia group at their training centre in a commandeered primary school in Abidjan, October 2004. IRIN
Ready for action - Uniformed members of the GPP training at the school in Adjame
Alors que les deux protagonistes de la guerre civile ivoirienne campent sur leur position et se refusent à faire la moindre concession pour accélérer le processus de paix, certains membres de la majorité silencieuse du pays on fait le choix de la neutralité.

Au cours d’un incident sans précédent, survenu la semaine dernière dans le quartier d’Adjamé, à Abidjan, des habitants ont pris à partie des miliciens du tout puissant Groupement patriotique pour la paix (GPP) qui soutient le président Laurent Gbagbo.

Se plaignant des nombreuses brimades et exactions dont ils sont victimes, les habitants du quartier en sont venus aux mains avec les miliciens du GPP, un groupe de militants, partisans de la ligne dure, qui a réquisitionné une école du quartier pour en faire un camp de formation militaire.

Georges Essan, un enseignant de 42 ans qui vit à Adjamé, a indiqué à IRIN que, même s’il n’a pas participé à ces représailles, il est solidaire de la manifestation organisée contre les miliciens.

“Quand ils se sont installés dans l’école, près de nous, ils ont dit qu’ils allaient nous défendre contre les assaillants cachés dans la ville. Ils ne nous ont pas demandé notre avis. On les a vu faire des contrôles devant l’école, devenue leur camp. Je passais toujours loin”, a-t-il expliqué.

Mais la crainte du GPP s’est surtout accrue pour Essan lors des violences qui ont éclaté le 4 novembre en Côte d’Ivoire à la suite de l’échec de la tentative de Gbagbo de reconquérir la zone nord du pays occupée par les forces rebelles.

“Une femme patriote (nom donné aux partisans de Gbagbo) de mon quartier a dit qu’elle allait leur dire que j’étais assaillant parce que je ne participe jamais aux manifestations”, a t-il dit, en faisant référence aux rassemblements et aux marches de soutien au gouvernement.

Essan pense que son histoire et son manque apparent de ferveur patriotique ne plaide pas en sa faveur.

Il vivait à Korhogo, une ville du nord, lorsque la guerre civile a éclaté en septembre 2002, mais il a dû fuir cette ville et se réfugier à Abidjan à cause des menaces qu’il a reçues en raison de son origine sudiste.

“Mais ici [Abidjan], quand je refuse de participer aux marches, mes camarades et des jeunes du quartier m’accusent d’être pro-rebelle ”, a-t-il expliqué.

“Je me défends en disant que je ne suis en guerre contre personne. Ce que je veux c’est la paix pour tous les habitants de ce pays et non pas la paix de certains contre les autres”, a-t-il ajouté.

“Mais les gens qui pensent comme moi ne peuvent pas beaucoup parler, ni à Abidjan, ni ailleurs. Il n’y a personne pour nous protéger”, a-t-il déploré

Depuis la guerre civile qui a divisé le pays en deux en septembre 2002, les forces en présence, qu’ils s’agissent des loyalistes du sud ou des rebelles du nord, considèrent que les Ivoiriens doivent être soit des supporters inconditionnels de leur cause, soit des ennemis.

“Soit on est du côté de la rébellion, soit on est du côté de la république”, a déclaré l’année dernière Mamadou Koulibaly, le président de l’assemblée nationale et un membre très influent du Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo.

La presse pro-gouvernementale est interdite en zone rebelle où les radios locales n’osent pas contester l’action des Forces nouvelles ou aborder les conflits internes qui opposent régulièrement des factions rivales.

Dans le sud, en revanche, il est interdit aux radios privées de diffuser des nouvelles sur la zone nord et les bureaux des journaux d’opposition sont parfois saccagés par les partisans de Gbagbo.

A chaque poussée de violence, des groupes de jeunes patriotes descendent dans les rues et déchirent tous les journaux d’opposition qu’ils trouvent dans les kiosques.

Et lorsqu’il s’agit d’émission à la radio nationale, il n’y a pas de place pour ceux qui essaient d’observer une inconfortable attitude de neutralité.

“On ne m’entend plus parce que je ne suis d’aucun camp. Je suis pour la paix en Côte d’Ivoire”, a indiqué un pasteur ivoirien dont on n’entend plus les sermons à la radio depuis que septembre 2002. “Mais si vous reportez ce que j’ai dit, ne mentionnez pas mon nom car Jésus dit : ne jetez pas vos perles aux pourceaux”, a ajouté le pasteur.

“J’ai écrit une douzaine de lettres au Président de la république pour le mettre en garde contre les faux prophètes qui lui prédisent une victoire illusoire contre les rebelles et la France en l’encourageant à mener une guerre suicidaire”, a indiqué le pasteur en faisant référence aux responsables religieux très écoutés de la presse gouvernementale et loyaliste.

“Mais je ne peux dire cela publiquement à cause des jeunes”, a-t-il confié à IRIN.

“Certains sont venus me demander mon avis sur la résolution de la crise. Quand je leur ai dit que c’est par la négociation, ils m’ont dit : ‘pas question ! ’. Et si vous saviez combien ils sont organisés, vous comprendrez pourquoi je ne leur parle plus”, a conclu le pasteur.

Quelques jours avant le bombardement de Bouaké, le pasteur avait tenté de lancer une mise en garde à la télévision contre toute incitation à la guerre, mais son temps d’antenne a été très court.

“J’étais allé à la télévision nationale pour porter assistance à personnes en danger”, a indiqué le pasteur. “Car les faux prophètes qui encouragent le Président le poussent aux chaos”, a t-il déclaré.

Selon lui, le sud comme le nord sont devenus dangereux. “Ils veulent la paix par les armes. Ils font tous la loi dans les rues. Je suis contre la guerre, mais ne le répétez pas. Ici on veut des gens qui sont prêts à se battre contre l’ennemi”, a fait remarquer le pasteur.

Dans la capitale économique Abidjan, plusieurs organisations non-gouvernementales (ONG) ont été créées pour aider les autorités à triompher des “déstabilisateurs et des imposteurs”.

Des organisations de la société civile ont aussi été créées dans le nord au début des hostilités pour soutenir le “noble combat contre l’exclusion.”

Mais quelques Ivoiriens courageux ont décidé de sortir de l’anonymat la majorité silencieuse.

“Tant que vous ne faites pas de déclarations politiques en faveur d’un camp et que vous appelez de façon impartiale tout le monde à la paix et au respect des accords de paix, votre organisation est combattue. Mais nous prenons ce risque parce que c’est cela notre choix”, a déclaré Salimata Porquet, la présidente de l’organisation d’Eburnie pour la Paix (Ofep).

“Il n’y a que les organisations comme ’10 000 filles pour X’ ou “20 000 filles pour Y’ qui marchent en Côte d’Ivoire’”, dénonce-t-elle.

Selon Porquet, l’objectif de son organisation est de promouvoir le dialogue entre le gouvernement et les rebelles. Les deux parties ont signé un accord de paix en janvier 2003, mais cet accord n’a presque pas été appliqué et depuis deux ans le pays est plus que jamais divisé.

“Il faut voir la Côte d’Ivoire et pas son groupe parce les personnes qui sont maintenues dans le silence et qui souffrent de tout ce tohu-bohu sont les plus nombreuses. Nous sommes des mères de famille et des épouses, nous savons de quoi nous parlons”, affirme Porquet.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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