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Les lacunes du plan européen de répartition des réfugiés

A pregnant Somali woman is helped onto the MSF boat, Dignity 1, after being rescued at the sea on August 23, 2015 Alessio Romenzi/IRIN
Une Somalienne enceinte est secourue en mer en août 2015. Elle reçoit de l’aide pour monter à bord d’un bateau de MSF
À l’occasion de son discours sur l’état de l’Union, prononcé le 9 septembre, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a appelé à une « action audacieuse et concertée » pour gérer la crise des réfugiés en Europe. Il a en outre évoqué une série de mesures que les États membres devront décider d’adopter ou non à Bruxelles lundi prochain.

Voici le point de vue d’IRIN sur les principales propositions :

Relocaliser 160 000 demandeurs d’asile

L’Agenda européen en matière de migration, publié en mai par la Commission, proposait l’activation d’un mécanisme d’urgence pour gérer les afflux soudains de migrants. Il appelait en outre les États membres à accepter 40 000 demandeurs d’asile en provenance de l’Italie et de la Grèce. La proposition, accueillie froidement, a été édulcorée et a finalement été adoptée comme s’il s’agissait d’un programme volontaire.

La nouvelle proposition vise à répondre à l’augmentation fulgurante du nombre d’arrivées aux frontières de l’UE depuis le mois de mai. Cette hausse s’explique notamment par le nombre croissant de demandeurs d’asile qui empruntent la route des Balkans de l’Ouest, qui relie la Grèce et la Hongrie.

La proposition appelle ainsi à la réinstallation de 120 000 demandeurs d’asile supplémentaires (en plus des 40 000 du mois de mai) : 15 600 de l’Italie, 50 400 de la Grèce et 54 000 de la Hongrie.

La Commission fait pression pour que le programme soit obligatoire pour tous les États membres, à l’exception du Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni, qui, en vertu des traités qui les lient à l’UE, ne participent pas à la politique migratoire commune. Les autres États membres de l’UE qui ne souhaitent pas participer devront verser une contribution financière (équivalente à 0,0002 pour cent de leur PIB) pour aider les autres.

Depuis qu’il est largement reconnu qu’une part importante des migrants viennent de pays déchirés par la guerre, comme la Syrie et l’Afghanistan, l’attitude du public envers eux a considérablement changé. Dans de nombreux pays, les électeurs font pression sur leurs politiciens pour qu’ils acceptent davantage de réfugiés et qu’ils contribuent à l’élaboration d’une solution européenne à la crise.

Les États membres sont cependant encore loin du consensus quant à la meilleure marche à suivre. Selon la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays est, de loin, celui qui a accepté le plus grand nombre de demandeurs d’asile cette année, il se pourrait que l’accueil de 160 000 migrants ne suffise pas à endiguer la crise. D’après les chiffres du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 380 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par la Méditerranée jusqu’à présent cette année, dont près de 130 000 en août seulement.

Le premier ministre britannique David Cameron a clairement annoncé que son gouvernement ne participerait pas. Viktor Orbán, le chef d’État hongrois, continue quant à lui de s’opposer à tout programme de réinstallation imposé par l’UE, même si son pays pourrait en bénéficier.

Ce qu’il faut surtout souligner, c’est qu’on ignore encore comment le programme fonctionnera dans la pratique. La proposition ne tient pas compte du fait que la plupart des demandeurs d’asile qui arrivent en Italie, en Grèce et en Hongrie cherchent à se rendre aussi rapidement que possible dans un autre pays. Ils marchent, montent à bord de trains ou de cars ou utilisent les services de passeurs pour se rendre directement dans les États qu’ils considèrent comme les plus accueillants, notamment l’Allemagne et, dans une moindre mesure, l’Autriche. Combien de ces nouveaux arrivants seront prêts à attendre qu’on leur assigne un pays de réinstallation qu’ils ne considéreront peut-être pas comme leur premier choix pour améliorer leur sort ?

La proposition de la Commission indique qu’au moment de décider quel État membre devrait accueillir un demandeur d’asile en particulier, « il conviendrait de tenir compte de ses caractéristiques et qualifications spécifiques », notamment les compétences linguistiques, la présence de parents et l’existence de liens culturels ou sociaux pouvant faciliter l’intégration. Le document précise cependant que les demandeurs d’asile n’auront pas le droit de choisir l’État membre où ils seront relocalisés ou d’aller s’installer dans un autre État membre. Ils pourront uniquement faire appel d’une décision de réinstallation si celle-ci viole leurs droits fondamentaux. Par ailleurs, les demandeurs d’asile qui tenteront de quitter l’État membre qui leur a été assigné pourraient s’y voir ramenés de force.

Créer un mécanisme permanent pour la réinstallation des demandeurs d’asile

Ce mécanisme servirait de « complément » au Règlement de Dublin, dont on a dit beaucoup de mal, sans toutefois le remplacer. Comme la proposition actuelle en matière de réinstallation, il permettrait à l’UE de répondre aux crises en redistribuant les demandeurs d’asile en provenance d’États membres ayant de la difficulté à composer avec des afflux importants de migrants. La différence importante repose sur le fait que le mécanisme pourrait être activé en cas de besoin et qu’il ne serait pas nécessaire de passer par le long processus de l’adoption par le Conseil de l’UE.

Établir une liste commune de pays d’origine sûrs

Comme prévu, la Commission propose l’adoption d’une liste européenne de pays d’origine sûrs pour les demandeurs d’asile afin de remplacer les listes nationales actuelles, qui diffèrent d’un État membre à l’autre.

La liste vise à favoriser l’harmonisation des approches radicalement différentes des pays de l’UE en ce qui concerne l’approbation des demandes d’asile de diverses nationalités et à faciliter le retour rapide des candidats provenant de pays dits « sûrs ».

Selon la Commission, l’Albanie, la Bosnie, le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Turquie devraient tous être inclus dans la liste commune.

L’existence d’une telle liste peut cependant être problématique, en particulier pour les minorités persécutées dans les pays apparemment « sûrs ». L’inclusion dans la liste de la Turquie, d’où provenait près d’un quart des demandes d’asile déposées dans l’UE en 2014, risque d’être particulièrement controversée.

Améliorer l’efficacité de la politique de retour des migrants en situation irrégulière

Le soutien public et politique dont bénéficient actuellement les réfugiés pourrait s’effriter si les États membres ne commencent pas à renvoyer chez eux une proportion plus importante de migrants considérés comme n’ayant pas besoin d’une protection internationale. En 2014, environ 40 pour cent seulement des migrants « irréguliers » étaient renvoyés dans leur pays d’origine.

La Commission recommande de recourir plus souvent au retour volontaire plutôt que forcé (les retours volontaires sont moins coûteux et les chances de réussite sont plus élevées), mais elle se dit également favorable à une application plus stricte des règles de l’UE, qui exigent des États membres qu’ils déportent les migrants en situation irrégulière qui refusent de partir de leur propre chef.

Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, jouera un rôle plus important dans la mise en oeuvre des retours. Les États membres seront notamment encouragés à recourir davantage aux « opérations conjointes de retour » coordonnées par Frontex. Les vols de déportation à destination d’un pays en particulier peuvent par exemple passer prendre des migrants en situation irrégulière dans plusieurs États membres.

Renforcer le soutien accordé aux États hors UE

L’UE a déjà versé deux milliards d’euros dans un fonds fiduciaire en réponse à la crise syrienne. Une grande partie de cet argent servira à rendre plus supportable la vie des réfugiés syriens dans les pays voisins, en particulier la Turquie, où les mouvements de réfugiés dits « secondaires » vers l’Europe sont en hausse.

La Commission propose en outre la création d’un fonds fiduciaire en faveur de l’Afrique, doté de 1,8 milliard d’euros. L’objectif principal serait de promouvoir la stabilité et le développement économique dans le Sahel, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord.

Il est probable que l’Europe s’attende, en contrepartie de toute cette aide financière, que les États africains se montrent plus coopératifs en ce qui concerne les retours de leurs citoyens depuis l’Europe et l’éradication des réseaux de passeurs.

ks/ag-gd/amz

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