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Les organisations caritatives en première ligne

A displaced Iraqi child stares out at his IDP camp in the northern Kurdistan region Pierre-Yves Bernard/MSF
On rencontre Zeina dans la cour de la mosquée Cheikh Choli de la ville d'Erbil, dans le nord de l'Irak. Une mèche de cheveux teints en blond s'est échappée de son foulard bleu marine. Munie d'un porte-bloc, elle s'occupe des femmes qui font la queue pour obtenir un colis alimentaire. Aujourd'hui, il se compose de pain frais et d'un poulet congelé entier ; des sacs en plastique contenant du riz cuit sont également distribués.

Lors du dernier Ramadan, après l'avancée des militants du soit disant État islamique (EI), Zeina a quitté son domicile et la ville de Baïdja, située non loin d'une raffinerie de pétrole, pour trouver une relative sécurité dans la région autonome du Kurdistan irakien. Aujourd'hui, elle vit dans une chambre d'hôtel avec son mari, leurs trois enfants et sa tante. La nourriture distribuée par la mosquée complète les revenus de son mari, un vendeur de thé, et la pension versée par l’État à sa tante. Zeina participe aux distributions en tant que bénévole, car « Hajji est toujours gentil avec nous », dit-elle.

« Hajji » est chargé de la coordination de l'aide distribuée à la mosquée Cheikh Coli ; environ 200 personnes y reçoivent de la nourriture chaque jour. La majorité des bénéficiaires sont des Arabes irakiens, mais des réfugiés syriens, des Kurdes et des membres de la minorité ethnique turkmène viennent aussi aux distributions. La mosquée fait partie des nombreuses organisations religieuses qui viennent en aide aux populations déplacées de la région du Kurdistan, où plus d'un million d'Irakiens ont fui les violences.

« Avant, nous distribuions de la nourriture aux populations pauvres. Nous accueillons deux à trois fois plus de personnes depuis la récente crise », affirme Hajji, qui n'utilise que son prénom. Des rations supplémentaires ont été distribuées pendant le Ramadan, y compris des sucreries, ainsi que des dons en espèces. Les fonds ne proviennent pas du gouvernement ou des Nations Unies, mais des entrepreneurs locaux et du Cheikh de la mosquée.

L'Irak fait partie des pays qui ont reçu peu de soutien pour répondre à la crise humanitaire. Seulement un tiers des fonds nécessaires ont été versés par les bailleurs de fonds. Les Nations Unies ont donc été contraintes de réduire leur aide aux 3,1 millions de personnes déplacées dans le pays : les colis alimentaires sont plus petits et des programmes d'action communautaire ont été abandonnés.

Les organisations locales, comme celle d'Hajji, essayent de combler les manques et portent un fardeau plus lourd encore. Les collectes de fonds réalisées pendant le ramadan leur ont permis d'avoir le nécessaire pour célébrer l'Aïd, mais elles aussi sont confrontées à des pénuries, notamment parce que les aides allouées par les Nations Unies vont principalement aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères.

Halkawt Salah Omar, adjoint à la gestion du camp de déplacés irakiens installé à Harshem, en périphérie d'Erbil, dit que les dons de particuliers sont « une grande aide » pour les résidents du camp. En juin, 11 distributions – neuf de denrées alimentaires et deux d'espèces – ont pu être réalisées grâce à ces dons. Le don privé effectué le 15 juillet (le dernier en date) a permis de distribuer du thé, du riz, de l'huile, de la purée de tomate, de la farine, du sucre, des haricots et des lentilles aux 1 432 résidents du camp.

« Les dons augmentent pendant le Ramadan », ajoute M. Omar. Pour beaucoup de personnes aisées, « c'est un mois de prière, une période pendant laquelle on doit venir en aide aux pauvres ».

Crise économique

La baisse des prix du pétrole et les coûts de la lutte contre l'EI ont fait plonger le pays dans la crise économique. Bon nombre d'habitants de la région du Kurdistan n'ont plus les moyens de faire preuve de générosité envers les pauvres.

« Les gens sont généreux et font preuve de bonté envers ceux qui souffrent. Mais la situation économique est très mauvaise », explique Ghassan Youssuf, un pasteur de l'église évangélique du messager d'Ainkawa, à Erbil, qui vient en aide aux déplacés.

M. Youssuf dit que la montée du chômage et le non-paiement par le gouvernement des salaires des fonctionnaires – cela fait trois mois que sa femme n'a pas été payée – sont les principaux problèmes.
« Cela concerne les personnes qui veulent offrir de l'aide. Avant l'EI, la situation économique était bonne. Nous envoyions même de l'argent en Syrie pour aider les gens ! Aujourd'hui, certains membres de notre congrégation ont des besoins importants ».

Une  étude de la Banque mondiale rendue publique en février a prévenu que le taux de pauvreté était passé de 3,5 pour cent en 2012 à 8,1 pour cent en 2014 dans la région du Kurdistan ; l'économie a reculé de 5 pour cent en 2014. Les bailleurs de fonds privés de la région, y compris les compagnies pétrolières et les entreprises, ont donc décidé de réduire leurs dons.

« Avant 2014 et avant la crise dans la région, tous nos fonds venaient des habitants aisés du Kurdistan », explique Karzan Noori, responsable des relations publiques de la fondation caritative Barzani. L'année dernière, un entrepreneur kurde basé en Russie a versé un million de dollars à la fondation et son frère a fait un don de 500 000 dollars. Cette année, les dons privés sont en baisse. « Aujourd'hui, moins de 40 pour cent de nos fonds viennent de dons de particuliers ».

D'autres organisations locales ont confirmé cette tendance. Jameel Chomer, directeur administratif de Yazda, une organisation créée pour venir en aide aux Yézidis et aux autres populations déplacées, dit que ses fonds viennent de particuliers originaires des États-Unis.

Une solution locale et à long terme

La crise du déplacement a débuté il y a plus d'un an et les acteurs humanitaires savent qu'une solution à long terme nécessite d'apporter un soutien accru aux ONG locales.

« La crise ne va pas s'arrêter de sitôt. Il est donc essentiel de développer les capacités des ONG nationales pour assurer l'avenir de cette réponse », explique Craig Anderson, coordinateur administratif par intérim du Comité de coordination des ONG en Irak (ONG Coordination Committee for Iraq).

Mais les progrès sont lents. Si les ONG nationales ont été félicitées pour le travail qu'elles ont mené en première ligne, les acteurs humanitaires reconnaissent en privé que les actions entreprises pour renforcer les ONG locales et les intégrer aux niveaux supérieurs ont été insuffisantes.

« La société civile peut jouer un grand rôle », dit Diyar Emin, représentant d'une ONG régionale du Kurdistan. « Mais je pense qu'elle peut en faire davantage ».

M. Emin dit que plus de 2 000 ONG locales sont enregistrées auprès du gouvernement régional du Kurdistan, mais que seule une cinquantaine d'entre elles est fiable.

L'une des ONG les mieux implantées, Public Aid Organisation (PAO), emploie plus de 400 personnes et a établi des partenariats avec plusieurs ONG étrangères connues.

Ce serait « une véritable catastrophe » si de nouvelles coupes étaient opérées sur le front du financement international, dit Nizar Jamil Abdulazeez, directeur des programmes de l'organisation PAO.

Sans financements internationaux et sans expertise, les tensions entre les Kurdes et les Arabes s'amplifieront, explique M. Abdulazeez. Il dessine le logo « pas d'Arabes » affiché dans certaines boutiques et soupire. « Il semble y avoir une montée de la haine contre les déplacés ».

cc/jd-ag-mg/amz 
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