Une nouvelle étude des Nations Unies révèle qu’accueillir des réfugiés pourrait avoir bien plus d’implications positives que ce que suggéraient les premières estimations.
L’étude, réalisée conjointement par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), étudie les impacts de l’aide humanitaire sur l’économie libanaise depuis que les réfugiés syriens ont commencé à fuir la guerre en 2011.
On y apprend que pour chaque dollar dépensé aux fins de la réponse humanitaire, un demi-dollar supplémentaire est injecté dans l’économie par le biais d’effets démultiplicateurs.
Ainsi, les quelque 800 millions de dollars dépensés annuellement pour les réfugiés occasionnent un impact positif total de 1,2 milliard de dollars.
L’étude estime que l’aide humanitaire contribue au PIB libanais à hauteur de 1,3 pour cent au total.
Les agences d’aide humanitaire dont les effectifs étaient peu nombreux avant la guerre civile de 2011 emploient aujourd’hui plusieurs centaines de personnes, ce qui représente une importante source d’emploi pour les Libanais. De plus, des centaines de millions de dollars ont été injectés dans l’économie en nourriture et autres formes d’aide, engendrant ainsi de l’activité pour les commerces locaux.
Le Liban, qui compte 4 millions d’habitants seulement, accueille près de 1,2 million de réfugiés syriens enregistrés. Il lutte toutefois activement contre leur présence.
Le gouvernement libanais, qui affirme ne pas être en mesure de faire face à un tel afflux, a introduit des règlementations strictes à l’égard des personnes souhaitant renouveler leur statut, et a même récemment interdit au HCR d’enregistrer les nouveaux arrivants syriens en tant que réfugiés.
Le rapport conclut que l’impact net de la crise syrienne – en tenant compte notamment du déclin du tourisme (23 pour cent) et de la baisse des exportations (7,5 pour cent) – est négatif.
Les pertes, estimées à 1,6 pour cent du PIB, sont toutefois globalement compensées par les retombées économiques de l’aide humanitaire. L’impact négatif total n’est donc que de 0,3 pour cent du PIB annuel.
Ces chiffres sont bien inférieurs à ceux annoncés lors d’estimations antérieures. En 2013, la Banque mondiale avait évoqué une contraction annuelle du PIB de 2,9 pour cent, précipitant 170 000 Libanais dans la pauvreté.
Pour Jab Chaaban, professeur agrégé d’économie à l’université américaine de Beyrouth, la méthodologie employée dans le rapport de la Banque mondiale était erronée.
Il estime que les effets de l’afflux de travailleurs humanitaires sont encore plus positifs que le suggère la nouvelle étude du HCR/PNUD, étant donné que les réfugiés sont concentrés dans le nord du Liban et dans la plaine de la Bekaa, à l’est – deux régions parmi les plus pauvres du pays.
« C’est un chiffre global, pas une analyse par région. Dans un sens il sous-estime la valeur réelle pour les régions », a-t-il dit. « Les impacts locaux dans ces régions sont probablement encore plus positifs. »
M. Chaaban a souligné que l’économie libanaise a effectivement crû plus rapidement que prévu en 2014 – d’environ 2 pour cent, contre 0,9 pour cent en 2013.
« Avec la guerre aux portes du pays et l’importante population de réfugiés, on pourrait s’attendre à une croissance négative, ou d’un ou deux pour cent peut-être », a-t-il dit. « Cela montre que le Liban tire clairement avantage de certains aspects de la crise. »
Pourtant, Nassib Ghobril, le directeur du département de recherche économique de Byblos Bank, une institution bancaire libanaise, a dit que les Nations Unies cherchaient à voir une « note positive » dans la situation des réfugiés.
« Ils étudient l’impact spécifique de ces 800 millions de dollars, et considèrent ensuite certains indicateurs, pas tous », a-t-il dit. « Vous ne pouvez pas dissocier l’impact de l’aide humanitaire des autres effets. »
Le rapport des Nations Unies tient compte de certains impacts négatifs de la crise syrienne, mais en ignore d’autres, notamment « la confiance des consommateurs et des investisseurs », a dit M. Ghobril.
Les routes de commerce régionales ont été sévèrement touchées par le conflit et l’incertitude a ébranlé la confiance du secteur privé, a-t-il ajouté.
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