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Quel avenir pour la Libye ?

A Libyan rebel fighter arrives by car at the last checkpoint before the frontline, between Ajdabiya and Brega Kate Thomas/IRIN
A Libyan rebel fighter arrives by car at the last checkpoint before the frontline, between Ajdabiya and Brega
S’il fallait une preuve supplémentaire de l’importance de mettre un terme à la lutte de pouvoir qui a provoqué le chaos dans lequel se trouve la Libye depuis l’été dernier, nous l’avons eue cette semaine. Nous avons pu constater que les sympathisants de l’État islamique (EI) avaient l’intention d’exploiter le vide de pouvoir qui résulte de la crise. Le 27 janvier, des hommes armés ont lancé un assaut contre un luxueux hôtel de Tripoli, populaire auprès des responsables des Nations Unies et des diplomates. L’attaque, revendiquée par l’EI, a fait au moins neuf morts, dont cinq étrangers. Il s’agit du plus meurtrier d’une série d’incidents, ce qui suggère que les partisans de l’EI en Libye prennent de l’assurance alors que la crise politique libyenne perdure.

Les groupes armés alliés aux gouvernements rivaux de la Libye sont engagés dans une lutte pour obtenir le contrôle de ce pays riche en pétrole. L’un d’eux est le gouvernement autoproclamé et soutenu par les milices qui a pris le pouvoir à Tripoli après que le gouvernement du premier ministre Abdullah al-Thani, reconnu par la communauté internationale, eut fui dans l’est de la Libye.

Les responsables des Nations Unies qui supervisent les discussions actuellement menées à Genève pour faire la paix entre les factions belligérantes espèrent que l’attaque contribuera à recentrer les esprits. Elle pourrait en effet servir de signal d’alarme, a dit l’envoyé spécial des Nations Unies en Libye, Bernardino León, qui est d’avis que seul un gouvernement d’unité peut contrer la menace de l’EI. « Le pays est au bord de l’effondrement. »

C’est peut-être le cas, mais les discussions à Genève en sont toujours à un stade relativement préliminaire et de nombreux acteurs importants du conflit ne sont pas encore impliqués. La semaine dernière, les participants, parmi lesquels figuraient des représentants du parlement élu en juin issus des deux camps et des personnalités de la société civile, se sont entendus sur un cadre pour élaborer un accord en vue de la création d’un gouvernement d’unité. Ils se sont aussi entendus sur la nécessité de mettre un terme aux affrontements et d’assurer le retrait des groupes armés des zones urbaines. Aucun représentant des factions armées ne participe pour le moment aux discussions, mais les Nations Unies ont l’intention de les inclure. Il est peu probable, dans ce contexte, que l’on réussisse à mettre un terme au conflit armé dans un futur rapproché.

Les affrontements violents qui font rage depuis des mois dans plusieurs villes et villages ont entraîné l’émergence d’une grave crise humanitaire. Plus de 120 000 personnes ont été forcées de fuir leurs foyers. Les pénuries de carburant et de fournitures médicales sont particulièrement aiguës dans certaines régions, notamment à Benghazi, la deuxième plus grande ville du pays. « Nous arrivons au bout de nos réserves », a dit un médecin du principal hôpital de Benghazi. Quelque 600 personnes ont été tuées à Benghazi depuis le mois d’octobre, lorsque la ville a été le théâtre de nouveaux combats après une nouvelle offensive lancée par Khalifa Haftar, un allié du gouvernement d’Abdallah al-Thani. Plus de 15 000 familles ont été déplacées. Les Nations Unies ont récemment tenté de négocier un cessez-le-feu en contrepoint du processus de Genève, mais les forces de Haftar ont refusé de l’appliquer à Benghazi, où ils croient qu’ils triompheront bientôt.

On s’attend à ce que le dialogue engagé à Genève comprenne plusieurs volets outre le volet politique qui est actuellement étudié. Cette semaine, des représentants des conseils municipaux et locaux ont participé aux discussions. Leur participation démontre une reconnaissance du fait que la crise en Libye a de multiples facettes et que les conflits locaux alimentent la lutte de pouvoir qui s’est engagée au niveau national. Dans les semaines à venir, des représentants de groupes armés et de partis politiques et des chefs tribaux devraient se rencontrer à Genève.

L’une des difficultés d’un tel processus est de décider qui doit y prendre part. Le pouvoir est diffus en Libye. Les deux grands camps qui s’affrontent actuellement s’appuient en outre sur des alliances de convenance – fragiles et souvent mouvantes – entre une myriade de factions politiques et armées. De nombreux citoyens ordinaires se plaignent du fait que le pouvoir réel semble être entre les mains de la constellation de groupes armés ayant émergé pendant et après le soulèvement contre Mouammar Kadhafi, en 2011, et non entre celles des institutions de l’État ou des organes élus. Chacun des camps semble en outre être de plus en plus souvent en proie à des tensions et des fractures internes, dont plusieurs ont donné lieu à des désaccords publics, parfois au sujet du processus de dialogue lui-même. Les notions de leadership et de hiérarchie peuvent être nébuleuses et l’influence de certains acteurs individuels, et notamment des personnalités politiques, peut fluctuer en fonction des développements sur le terrain. Les représentants des Nations Unies devront garder tout cela à l’esprit au fur et à mesure que les discussions de Genève évolueront.

Dans les semaines à venir, il faudra notamment surveiller les factions politiques et armées de Misrata, une ville portuaire prospère qui sert de bastion à Fajr Libya (« Aube de la Libye »), l’alliance de milices qui soutient l’administration de Tripoli, et Khalifa Haftar. Les milices de Misrata, les plus puissantes du pays, peuvent décider de la réussite ou de l’échec du dialogue, mais elles sont elles-mêmes divisées. De nombreux habitants de la ville – et notamment des hommes d’affaires importants qui ont compris l’impact des combats sur l’économie – accordent leur soutien au processus de Genève. D’autres y sont cependant farouchement opposés ou sont simplement partagés. Haftar n’a pas clairement fait connaître sa position au sujet des discussions. Il est probable qu’il se révèle être un obstacle à la conclusion d’un quelconque accord. Haftar espère que la base de soutien dont il dispose dans l’est du pays l’aidera à se placer en position de leadership, mais nombreux sont ses adversaires qui insistent sur la nécessité de l’écarter complètement de la scène pour garantir la paix.

Les citoyens ordinaires, pris entre les groupes armés, sont nombreux à avoir adopté une approche attentiste. Les sceptiques signalent que plusieurs autres tentatives de dialogue mises en œuvre au cours de la dernière année ont échoué. La plupart d’entre eux en ont ras le bol du carnage, des privations associées à la guerre et des chamailleries politiques qui en sont à l’origine. Ce qu’ils voient, c’est une économie en chute libre et la perspective d’une infiltration encore plus importante de l’État islamique. La population est lasse de la guerre, même à Misrata. « Nous voulons arrêter de saigner », a dit Mohammed el-Tumi, un membre du conseil local qui participe aux négociations ayant lieu cette semaine à Genève. Un autre, un jeune homme ayant été estropié à vie alors qu’il combattait contre les forces de Kadhafi, en 2011, s’est montré plus direct : « Je prie pour que le dialogue de Genève soit un succès », a-t-il dit. « La guerre, c’est l’enfer. »

mf/jd/am-gd/amz

Voir aussi : À Ben Jawad, ville fantôme libyenne
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