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Malnutrition en Afghanistan – à la recherche de solutions

A severely malnourished child in the Afghan city of Jalalabad, east of the capital Kabul. Afghanistan has some of the highest rates of malnutrition in Asia. Joe Dyke/IRIN
Les hurlements de douleur d’Abdullah, les bras bandés contre son corps, ne sont interrompus que par ses quintes de toux rauque. À cinq mois, il pèse à peine 3,2 kg – moins que certains nouveau-nés. Dans le lit voisin, la petite Shukoria, trois mois, paraît flétrie et fatiguée, avec son visage ridé où se lit la douleur.

Tous deux souffrent de malnutrition, une pathologie touchant plus de 40 pour cent des enfants afghans. Chaque année, elle est responsable de la mort de plusieurs milliers d’entre eux et entraîne un handicap permanent chez plusieurs millions d’autres.

« La malnutrition est la principale cause de mortalité chez les enfants de moins cinq ans dans cette province », a dit Homayoun Zaheer, le directeur de l’hôpital de Jalalabad, en montrant les enfants du doigt.

Un rapport produit avec l’aide du gouvernement souligne l’ampleur de la malnutrition dans le pays, mais les experts rapportent que les efforts déployés pour lutter contre ce fléau sont entravés par les normes culturelles, un budget de la santé qui ne cesse de diminuer, et la nature à court terme de l’aide humanitaire.

Un démarrage lent

Cela fait de nombreuses années que l’Afghanistan affiche des taux de malnutrition élevés. Mais le problème était pour ainsi dire caché jusqu’à récemment, s’accordent à dire de nombreux experts, du fait d’un manque d’éléments concrets permettant d’en cerner l’ampleur.

C’est pourquoi la malnutrition était souvent négligée au moment de répartir l’aide. Depuis 2007, l’Afghanistan est le principal bénéficiaire au monde de l’aide au développement en termes de pourcentage de son revenu national, avec 6,2 milliards de dollars US rien qu’en 2012. Pourtant, ces fonds ont essentiellement été alloués à la gouvernance et à la sécurité, et bien que de nouvelles infrastructures sanitaires aient été créées, il a peu été fait cas de l’ampleur de la malnutrition.

Franck Abeille, le directeur pays d’Action contre la faim (ACF), a dit que peu d’attention avait été portée à la malnutrition dans les années qui ont suivi l’invasion de 2001 conduite par les États-Unis. « ACF, par exemple, s’est à peine intéressé à la nutrition entre 2003 et 2006-2007 », a-t-il dit.

Rendus publics fin 2013, les résultats de la dernière enquête nationale sur la nutrition – la première menée dans le pays depuis 2004 – ont révélé que plus de 40 pour cent des enfants afghans âgés de moins de cinq ans affichaient un retard de croissance permanent comme conséquence de la malnutrition, et que 9,5 pour cent des enfants souffraient d’émaciation.

Le nombre d’enfants atteints de malnutrition aiguë sévère a été multiplié par plus de trois, passant de 98 900 en 2003 à 362 317, tandis que le nombre estimé de femmes enceintes et allaitantes nécessitant une intervention nutritionnelle a pratiquement doublé, atteignant 246 283. En règle générale, la malnutrition aiguë tue plus rapidement que la malnutrition chronique, qui constitue la première cause de handicap mental évitable au monde.

Des problèmes budgétaires

« Pour s’attaquer aux causes de la malnutrition, […] la priorité est d’amener un changement culturel – changer les mentalités à l’égard de l’allaitement. »
L’enquête, à laquelle viennent s’ajouter d’autres éléments nouveaux, a permis de faire pression sur le gouvernement et les Nations Unies pour qu’ils s’engagent à consacrer leurs ressources à la malnutrition, qui a été désignée comme l’une des trois priorités du Plan d’action humanitaire commun pour 2015.

Mais cet élan survient alors que les ressources de santé connaissent des coupes claires. En vertu du programme de soins de santé primaires mis en place par le gouvernement (BPHS, de l’anglais Basic Package of Health Services), les ONG internationales assument la fourniture des services de santé fondamentaux dans un district donné à la façon d’entrepreneurs. Avec les difficultés financières qu’a connues le gouvernement afghan, le budget du BPHS a chuté, mettant à mal les programmes de lutte contre la malnutrition. Ainsi dans une province, le budget pour tous les services était de 7 euros par patient et par mois. Depuis 2014, il est passé à 4,7 euros par patient et par an, selon un rapport d’ACF.

« Le contrat prévoyait un montant fixe par patient, et le montant alloué à la nutrition est trop faible pour être utile, car il ne permet aucun travail de proximité », a dit Marc Bowden, le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies et Coordinateur humanitaire pour l'Afghanistan. « La malnutrition a pour ainsi dire été ignorée au sein du système de santé. »

Vers des solutions

Alors que toutes les parties se rejoignent sur la gravité de la crise de malnutrition, les solutions font débat.

Claude Jibidar, le directeur pays du Programme alimentaire mondial (PAM), a dit que l’une des approches qu’il défendait proposait d’enrichir la farine de blé (l’aliment de base du régime afghan), potentiellement avec des subventions gouvernementales.

« Bon nombre de carences en micronutriments seraient aussitôt comblées », a dit M. Jibidar. « Vous enrichissez avec des minéraux et des vitamines [palliant] l’anémie, et les carences en fer et en vitamines A et D. »

« Les gens disent que ça se répercute sur les prix – on me dit que ça reviendrait à 4-5 dollars supplémentaires par kilo. Même si c’était 10 fois plus, le résultat en vaut la peine », a-t-il ajouté.

Une telle initiative améliorerait certes la santé des Afghans d’un certain âge, mais n’aurait qu’un impact limité sur les plus jeunes.

Hamza Atim, la coordinatrice médicale de Médecins sans frontières (MSF) pour l’hôpital de Boost à Lashkar Gar – dans la province controversée de Helmand où le taux de malnutrition aiguë est parmi les plus importants du pays – a souligné que l’allaitement des nouveau-nés n’était pas dans la culture de nombreuses communautés afghanes.

M. Abeille a signalé que cela pouvait entraîner un retard de croissance. « Lorsqu’un enfant naît, le lait maternel est véritablement la première chose dont le bébé ait besoin », a-t-il dit.

« Nous soignons des enfants sévèrement malnutris à l’hôpital, mais nous ne faisons que traiter les symptômes de la malnutrition », a dit Mme Atim. « Pour s’attaquer aux causes de la malnutrition, il y a beaucoup à faire, mais la priorité est d’amener un changement culturel – changer les mentalités à l’égard de l’allaitement. »

« L’allaitement permettrait d’épargner de nombreuses maladies aux enfants. Mais il en va ainsi depuis des générations, il n’est pas facile de faire bouger les choses. »

À Jalalabad, M. Zaheer a dit que des programmes pédagogiques avaient été lancés pour la population locale, y compris des séances de groupe dans lesquelles les services de santé sont expliqués aux mères. Il reconnaît toutefois que nombreuses sont les femmes, en particulier dans les zones rurales, à ne pas pouvoir y assister toutes les semaines. « La pauvreté est au cœur du problème ici. La pauvreté et l’ignorance – ça peut être un cercle vicieux », a-t-il dit.

M. Bowden, le coordinateur humanitaire, est également d’avis que davantage de programmes pédagogiques sont nécessaires. « Les taux de malnutrition les plus élevés sont associés aux taux d’analphabétisme les plus importants et au manque d’éducation chez les femmes. »

De l’humanitaire au développement

Un changement d’attitude vis-à-vis de la malnutrition pourrait également aider. Les intervenants humanitaires d’urgence ont donné la priorité à la malnutrition aiguë, mais des agences de développement sont nécessaires.

« Les chiffres de la malnutrition aiguë dépassent les seuils d’urgence – c’est pourquoi nous l’abordons comme un problème humanitaire – mais le retard de croissance est un autre problème majeur qui relève essentiellement du développement », a dit M. Bowden.

M. Abeille a abondé dans le sens d’un certain nombre d’autres acteurs appelant de leurs vœux un financement à long terme du développement pour s’attaquer aux causes de la malnutrition.

« Lorsque vous rencontrez les bailleurs de fonds, ils vous disent : “un an c’est parfait, allons-y”. Lorsque vous suggérez trois ou quatre ans, ils répondent : “Je ne suis pas sûr que nous puissions trouver les fonds”. Si bien que l’année suivante, nous en revenons au même problème. »

jd/pt/cb-xq/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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