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Interview avec Jean-Charles Dei, représentant résident du PAM

L’insécurité qui règne dans le nord-ouest de la République Centrafricaine (RCA) a amené des dizaines de milliers de personnes à fuir leurs fermes et leurs villages et pourrait exposer le pays à une crise alimentaire majeure.

Et cette insécurité est amplifiée par les opérations menées par l’armée nationale pour tenter de mettre fin aux attaques de bandes armées. Depuis décembre 2005, quelque 10 000 centrafricains se sont réfugiés dans la région sud du Tchad et, à en croire le Programme alimentaire mondial (PAM), de nombreux autres villageois seraient encore cachés dans la forêt.

Le 21 mars, IRIN s’est entretenu avec Jean-Charles Dei, le représentant du PAM en RCA, des problèmes liés à la sécurité alimentaire dans le pays. Voici quelques extraits de cette interview :

QUESTION: Quels sont les programmes qui pourraient permettre à la RCA d’atteindre la sécurité alimentaire, en cette période post-conflit ?

REPONSE: Nous menons deux opérations : l’une axée sur le développement et l’autre sur le redressement du pays. Nous sommes constamment confrontés à des problèmes de ressource car, jusqu’à présent, nous avons reçu moins de 20 pour cent des fonds demandés, alors que les besoins sur le terrain ne cessent de croître, notamment dans le nord-ouest. Par ailleurs, nous envisageons d’établir un bureau permanent du PAM dans la région.

Q: Dans quelle ville sera basé ce bureau ?

R: Nous envisageons d’effectuer une mission dans les deux premières semaines du mois d’avril. Nous nous rendrons à Kaga-Bandoro et à Bossangoa dans le cadre d’une évaluation technique afin de déterminer les sites les mieux adaptés au stockage des réserves alimentaires du PAM, en prévision des besoins des populations de la région du nord-ouest.

Q: Vous évoquez l’aide alimentaire à apporter aux populations du nord-ouest. S’agit-il d’une action ponctuelle ?

R: Absolument. Nous revoyons nos projets. Nous avions envisagé une aide au développement pour la RCA, mais nous sommes actuellement dans une situation où nous devons apporter une aide d’urgence aux populations du nord-ouest du pays, où plus de 10 000 personnes ont traversé la frontière pour se réfugier au Tchad voisin ; sans compter les quelques 10 000 autres restées cachées dans la forêt, pour échapper aux représailles, et qui survivent en consommant des herbes sauvages et des racines ; un affront à la dignité humaine.

Nous essayons donc de voir jusqu’à quel point notre mission soulagerait les souffrances des personnes piégées par ces crises récurrentes.

Q: Les agences humanitaires de l’ONU en RCA ont récemment décidé d’aider les habitants de la ville de Markounda, dans la préfecture de Ouham. Quelle a été la part de l’aide apportée par le PAM dans cette ville ?

R: Par le biais de CARITAS- Bossangoa, nous avons d’abord fourni une aide à 600 personnes vulnérables dont la situation était tragique. Malheureusement, compte tenu des contraintes sur le terrain, CARITAS n’a pas repris contact avec le PAM pour poursuivre le programme de distribution de vivres.

Actuellement, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le PAM et d’autres agences de l’ONU sont très préoccupées par la gestion de cette urgence dans le nord-ouest.

Le PAM collabore avec la représentation nationale [de l’ONU] et la COOPI, une ONG internationale, qui vient de rentrer d’une mission à Markounda. Pour le moment, nous ne pouvons pas quantifier notre assistance dans la région, puisque nous venons de démarrer nos opérations.

Q: Le PAM dispose-t-il d’assez de réserves alimentaires pour faire face aux problèmes humanitaires en RCA ?

R: Nous avons de sérieux problèmes, en ce qui concerne nous ressources. La communauté internationale tarde à réagir lorsqu’il s’agit de satisfaire les besoins humanitaires d’un pays. Par ailleurs, il y a une grande polémique au sein même de la communauté internationale qui ignore systématiquement la crise que traverse le pays.

Je fais appel à la conscience et à la disponibilité des bailleurs de fonds de la communauté internationale pour qu’ils continuent à répondre généreusement à nos besoins croissants, car dans cette crise, la plupart des personnes vulnérables sont les femmes et les enfants.

Q: Pourquoi la communauté internationale est-elle réticence lorsqu’il s’agit d’apporter une aide ?

R: Je ne peux pas me faire l’interprète de la communauté internationale. Chaque donateur a ses priorités et des raisons pour justifier son refus d’apporter une aide à la RCA. Il est regrettable que les décisions prises à l’encontre d’un gouvernement contribuent à aggraver la situation humanitaire de personnes, principalement des enfants et des femmes. Ce n’est pas acceptable d’un point de vue de la représentation du PAM en RCA.

Q: Comment percevez-vous la situation alimentaire en RCA ?

R: La RCA n’est pas un pays désertique dans lequel la sécurité alimentaire pose un réel problème. Mais il s’agit d’un problème purement structurel : les gens n’exploitent pas le potentiel agricole du pays. C’est un problème de bonne volonté, de partage des responsabilités entre le gouvernement, le personnel humanitaire et la communauté internationale, afin que le pays puisse sortir de cette situation de crise. Si le potentiel agricole existe et qu’il n’y a pas de sécurité, nous ne pouvons rien faire.

Q: A votre avis, quelle pourrait être la nature de la prochaine aide au développement en RCA ?

R: Nous avons un projet de santé et un programme éducatif. Ce sont là deux axes clés de notre aide au développement. Les programmes, d’un coût de 9,5 milliards de francs CFA (16,7 millions de dollars américains) ne sont pas entièrement financés par la communauté internationale.

Pour revenir à notre projet initial, je veux dire que nous devons assurer la santé et l’éducation des Centrafricains pour que les générations futures soient bien armées pour combattre le sous-développement. Cela ne peut être possible dans un contexte d’insécurité alimentaire.

Q: Les agences humanitaires de l’ONU se plaignent que les réponses à leurs appels de fonds d’urgence sont bien en-deça de leurs attentes. Plaidez vous réellement en faveur d’une aide à la RCA lorsque vous rencontrez des bailleurs de fonds ?

R: Absolument. Les représentants des Nations unies travaillent inlassablement, mais l’on ne se rend pas comptes des efforts qu’ils déploient dans les contacts qu’ils ont quotidiennement avec les ambassades et les représentants des bailleurs de fonds internationaux.

Nous devons être réalistes. Les mêmes donateurs financent l’aide aux victimes la crise du Darfour [au Soudan] et des nombreuses autres crises humanitaires et catastrophes dans le monde. Ils ont donc, à tort, pris l’habitude de dire que les gens n’ont besoin d’aide que lorsqu’ils sont sur le point de mourir.

En ce qui concerne la RCA, nous faisons face à une crise, une crise latente, ou une crise silencieuse. Les gens meurent lentement. Ils ne meurent pas immédiatement de faim, mais ils meurent des suites de maladies liées à la faim. Nous devons faire comprendre cela aux donateurs et leur dire ok, regardez.

Si vous voulez que ce pays développe toutes ses potentialités et continuer à apporter une aide à d’autres pays en crise, une action immédiate concertée et durable est nécessaire pour aider la RCA.

Plutôt que d’une action ponctuelle qui n’est d’aucune aide pour le pays, nous pensons qu’il faut aider une fois pour toutes ce pays et mettre à sa disposition une somme substantielle permettant de financer l’éducation. Cela ne peut se faire sans une réelle volonté politique des donateurs.

Tous les pays africains sont dans la même situation que la RCA. L’Afrique est généralement négligée et la RCA l’est plus encore.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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