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Entretien avec Antonio Monteiro, Haut représentant des Nations unies pour les élections en Côte d'Ivoire

Après des mois de tiraillement entre les partis politiques, la Commission électorale indépendante (CEI) a finalement été installée le 7 mars. Désormais, il n’y a plus d’excuse pour retarder la préparation des élections présidentielles prévues en octobre prochain, a déclaré à IRIN Antonio Monteiro, Haut représentant des Nations unies pour les élections, avant de quitter la Côte d’Ivoire.

Question: La mise sur pied d’une Commission électorale a été abordée la première fois en 2003, lors des pourparlers de paix de Linas-Marcoussis, mais il a fallu plus de trois ans pour la créer et l’installer. Pourquoi tout ce temps et comment expliquer le consensus actuel des principaux acteurs politiques ?

Réponse: La CEI est le seul organe responsable de l’organisation des élections. Donc sans la CEI, on ne peut pas avoir des élections. La CEI est le moteur des élections. L’élection du bureau de la Commission centrale en octobre dernier a posé un problème parce que cette élection était contestée par le camp présidentiel et deux partis politiques, le PIT et UDPCI.

Il y eu une lutte publique entre les deux camps -- je dis publique, parce que tous les journaux en parlaient -- pour le contrôle de la commission. L’opposition a des postes très importants, notamment le poste de président et de vice-président. Plusieurs postes de conseillers n’avaient pas été définis. Il fallait non seulement en définir le fonctionnement, mais aussi les attributions. La substance de ces postes est désormais claire et les personnes ont des tâches bien définies.

L’accord de Pretoria de 2005 a créé une Commission électorale partisane, alors qu’il est impératif que cette commission soit impartiale. Les ivoiriens se sont mis d’accord sur une formule qui permet à tous les commissaires de travailler de façon transparente. Ils ont compris qu’il ne pourrait pas y avoir d’élections s’ils ne trouvaient pas un consensus.

Q: Beaucoup de gens en Côte d’Ivoire pensent que les principaux protagonistes de la crise ivoirienne ne veulent pas organiser les élections présidentielles. Qu’est-ce qui vous fait penser qu’ils sont prêts à aller aux élections ?

R: La situation telle qu’elle était, ne pouvait pas continuer. Les leaders politiques ont montré qu’ils veulent les élections parce qu’ils ont compris qu’il faut y arriver. Et d’ailleurs, c’est clair que la campagne électorale a déjà commencé. [Alassane] Ouattara est rentré, Bédié a commencé sa campagne, même le président Laurent Gbagbo a commencé la sienne. Ils veulent tous les élections. La difficulté : comment y arriver ? On vient de franchir un obstacle majeur, un différend politique de taille, dont la solution a été trouvée par les ivoiriens eux-mêmes. Ce n’est pas une solution imposée de l’extérieur. C est une solution voulue. Il faut dire aussi que c’est grâce à la très grande détermination du Premier ministre, Charles Konan Banny.

Q: La réunion qui s’est tenue à Yamoussoukro la semaine dernière a été considérée comme une étape importante, mais les résultats de cette conférence ne sont pas tangibles. Le consensus autour de la composition de la Commission électorale en est-il un ?

R: Oui, c’est sûr, le sommet de Yamoussoukro a été un facteur décisif. D’abord c’était la première fois que les leaders politiques se rencontraient chez eux depuis le début de la guerre. Et puis ils ont pris des décisions qui sont déjà en train d’être exécutées, notamment la mise sur pied de la CEI. Il n’y a plus d’excuse désormais pour ne pas démarrer le redéploiement de l’administration, assurer la sécurité des populations et bien sûr le désarmement. Il y a eu des divergences pendant des mois, une méfiance totale entre les partis politiques. Ils savent désormais ce qu’il faut faire pour surmonter les problèmes. Je crois qu’ils ont l’obligation de montrer au peuple une réelle volonté politique de respecter leurs propres engagements.

Q: Vous pensez que le sentiment de méfiance mutuelle qui animait ces leaders politiques a totalement disparu ?

R: Il y a toujours une méfiance, mais c’est pour cela qu’il faut aider à établir la confiance entre eux. C’est le sens de la présence de la communauté internationale. A Pretoria, on a décidé qu’il fallait un arbitre pour pallier ce manque de confiance. En acceptant mon arbitrage, les partis politiques ont montré qu’ils respectaient non seulement les accords de Pretoria, mais aussi les règles internationales.

Q: Que se passera-t-il si, pendant les préparatifs des élections, les membres de la Commission constatent que leurs divergences continuent ?

R: D’abord, il faut arriver à un consensus. S’il n’y a pas de consensus, ils peuvent avoir recours au vote à la majorité qualifiée. Si le blocage persiste, la décision reviendra au haut représentant des Nations unies pour les élections.

Q: Pensez-vous qu’il est possible d’organiser des élections en octobre 2006 ?

R: C’est possible, mais il faut foncer. Il faut six mois minimum. On ne peut même pas perdre un mois. Tout est en place pour commencer, les aspects pratique et technique ne posent aucun problème. Il faut commencer par le redéploiement de l’administration pour pouvoir initier le processus d’identification sur tout le territoire national. Je dis bien sur tout le territoire national, car l’ONU ne certifiera les listes d’électeurs si elle n’a pas la garantie qu’elles sont techniquement valables et établies dans une totale liberté de mouvement. Et dès que nous disposerons de listes crédibles et acceptables, nous aurons réalisé 80 pour cent du travail. On a déjà tenu des réunions au niveau local, mais malheureusement, la mobilisation a été très faible. Comme la délivrance des cartes d’identité n’est pas gratuite, les gens pensent que cela va leur coûter cher. On envisage donc sa gratuité et nous lançons pour cela un appel à la communauté internationale pour qu’elle nous aide.

Q: Et le chronogramme ?

R: Le Premier ministre a un chronogramme. Je pense qu’il le communiquera en temps utile.

Q: Vous arrivez au terme de votre mission en Côte d’Ivoire. Considérez-vous que l’installation de la Commission électorale a été un succès ?

R: Je crois finalement qu’il y a un nouvel état d’esprit. Les Ivoiriens ont montré que le consensus est possible. Pourquoi pas maintenant ? Il n’y plus d’excuse.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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