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Entretien avec le Colonel Louis Ngizo Siatilo, dans la province du Katanga

En novembre 2005, l’armée de la République démocratique du Congo (RDC) a lancé une opération pour capturer ou d’éliminer les miliciens Mayi-Mayi de Kyungu Mutanga, alias Gedeon, qui opèrent dans le nord du Katanga. Ces miliciens sont les auteurs des nombreux pillages et incendies de villages qui ont causé le déplacement de dizaines de milliers de civils. Cinq bataillons de la sixième région militaire prennent part à cette campagne.

Le 3 février, le Colonel Louis Ngizo Siatilo, commandant adjoint de la sixième région militaire, à Lubumbashi, capitale de la province du Katanga, a accordé une interview à IRIN, dont voici quelques extraits.

QUESTION : Où en est la campagne contre Gédéon ?

REPONSE : La plupart des hommes de Gédéon ont fui la région qu’ils contrôlaient [dans les environs de la ville de Dubie, dans le nord-est du Katanga] et les personnes déplacées habitant la région ont déjà commencé à rentrer chez elles.

Les miliciens Mayi-Mayi se trouvent maintenant dans le Parc national du lac Upemba [à 250 km à l’ouest] et quatre des cinq bataillons ont été déployés dans le secteur. Je pense qu’ils progressent déjà assez bien. Je crois savoir d’ailleurs que la ville de Kilumbe [située sur la rive est du Lac Upemba], bastion des miliciens Mayi-Mayi, est actuellement tombée aux mains des forces loyalistes et nous espérons que d’ici deux semaines l’opération sera terminée.

Q : Des groupes de miliciens Mayi-Mayi ont récemment commencé à traverser le lac Upemba et à attaquer des villages de l’autre rive. Le conflit serait-il en train de se déplacer à l’ouest ?

R : La ville de Nyonga [située sur la rive occidentale du lac] était en dehors de la zone d’opération pour permettre à nos troupes de protéger les déplacés qui s’y trouvent. Mais en raison de l’imminence d’une attaque des miliciens [Mayi-Mayi], une section [35 hommes] y a été envoyée pour occuper une position avancée et une compagnie entière [125 hommes] suivra bientôt. Nous ratisserons alors le parc, mètre par mètre.

Q : Comment un si petit détachement de soldats peut-il contrôler une aussi grande région de lacs et de marais qui ne sont accessibles généralement qu’en canoë ?

R : En effet, la région est vaste et l’encerclement des miliciens Mayi-Mayi nécessiterait plus d’hommes ; sans compter que le coût d’une telle opération serait très élevé et que nos effectifs ne sont pas suffisants. Notre principal problème est que nous continuons à envoyer des soldats au brassage [l’intégration de ex-groupes et milices rebelles dans la nouvelle armée nationale].

Environ 15 pour cent des effectifs de la sixième région militaire sont impliqués dans le processus de brassage, ce qui représente environ 3 000 soldats. Nous avons également des problèmes de logistique pour le transport des ex-rebelles [au centre de brassage] à Kamine. Tous ne seront pas intégrés dans l’armée, et la plupart d’entre eux seront démobilisés.

Q : Les troupes de l’ONU ont récemment fait état d’attaques des miliciens Mayi-Mayi de Gédéon à Etoya, à 300 km à l’est du lac Upemba. Est-ce là une toute nouvelle zone d’opération ?

R : Non. Il ne s’agit pas des miliciens Mayi-Mayi de Gédéon, mais d’autres petites factions. Il y a deux tendances au sien des Mayi-Mayi : celle qui collabore et celle qui refuse de déposer les armes. Si nous devions traquer cette dernière, partout où elle se trouve, nous devrions abandonner d’importantes villes et routes. Quant à celle qui a choisi de collaborer, ses éléments sont nos informateurs, mais nous ne leur fournissons aucune arme.

Q : Alors, comment les Mayi-Mayi obtiennent-ils leurs armes ?

R : Nous avons capturé des mortiers, des lance-roquettes équipés de lunettes de visée et bien sûr beaucoup de fusils AK. Les miliciens Mayi-Mayi se sont procurés des armes pendant la dernière guerre [en 1998] contre le Rwanda. L’ancien gouvernement les distribuait aux civils sans aucun contrôle. Certains déserteurs sont partis en emportant parfois des armes, sans compter que les miliciens Mayi-Mayi réussissent souvent à en récupérer lorsqu’ils attaquent des positions de l’armée.

Q : Et que dire de certains rapports, comme le rapport S/2004/551 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui affirment que des représentants du gouvernement et des forces militaires leur fournissent des armes ?

R : Des rumeurs circulent, mais elles n’ont pas encore été confirmées. Ce qui est vrai, c’est que certains politiciens manipulent les miliciens Mayi-Mayi. Ils leur font croire que le gouvernement ne s’intéresse pas à eux et qu’ils devraient par exemple prendre des otages, pour qu’il se préoccupe de leur sort. Mais ces politiciens exploitent uniquement la situation pour se rendre importants et avoir le pouvoir.

Q : Et pourquoi cela se passe t-il dans le fief de Kabila, là où son père est né ?

R : [Laurent] Kabila est devenu influent parce qu’il a distribué des armes ici, comme il l’a fait dans le Kivu. Mais actuellement, son fils ne peut satisfaire tous ceux à qui son père a donné des armes et les politiciens sont mécontents du jeune Kabila. Ils exploitent cette situation pour se rendre plus importants et pour tenter d’affaiblir son pouvoir. Et ils savent que le jeune Kabila ne détruira jamais cette région, sinon il n’aura plus de base.

Q : Qui sont ces politiciens ?

R : Ils sont dans l’ombre, nous savons qu’ils existent, mais on ne peut rien prouver.



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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