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Les zones minières s’attaquent au sida

Avec un taux de prévalence du VIH de 5,2 pour cent, le riche secteur minier guinéen est particulièrement vulnérable à l’épidémie. Certaines sociétés minières ont commencé à mettre en place leurs propres programmes pour pallier le manque de services VIH/SIDA dans les zones touchées, mais elles plaident pour un partenariat public-privé sans lequel les communautés riveraines restent exclues des services.

En dépit des immenses ressources minières en bauxite, fer, or, diamant et autres minéraux dont elle dispose et qui en font le pays « potentiellement le plus riche d’Afrique de l’Ouest », selon les autorités, la Guinée figure parmi les pays les plus pauvres du monde : plus de 53 pour cent de ses quelque neuf millions vivent avec moins d’un dollar par jour.

Généralement mieux payés que dans d’autres secteurs d’activités, les employés du secteur minier font l’objet de toutes les convoitises, y compris de la part des communautés riveraines, qui se débattent dans la pauvreté.

« Les zones [minières] sont des îlots de prospérité où il y a beaucoup de comportements à risque [face au VIH] », a noté Cheikhou Yaya Diallo, président du comité de pilotage VIH/SIDA de la Chambre des mines de Guinée (CMG).

« Dans les zones minières, les gens ne sont pas prudents, surtout les jeunes. Avec la cherté de la vie, les garçons et les filles se livrent facilement », a confirmé Piantoni*, un transporteur infecté au VIH travaillant dans la zone minière de Fria, à 160 kilomètres au nord de la capitale, Conakry. « La prostitution est élevée, la zone est reconnue pour ça ».

Souvent originaires d’autres régions du pays, et éloignés de leur famille pendant plusieurs mois, les employés du secteur minier se trouvent en situation de ‘célibat géographique’ et contractent alors des ‘mariages courts’, une union temporaire qui dure le temps de l’affectation professionnelle – une pratique reconnue comme à haut risque pour la propagation du VIH.

Répondre à la demande

Face au risque, la réponse nationale reste largement insuffisante. Les services VIH sont encore peu décentralisés, et même lorsqu’ils le sont, ils sont loin de pouvoir couvrir les besoins.

L’hôpital régional de Boké, une zone minière située à environ 300 kilomètres de Conakry, a commencé à faire de la prise en charge du VIH en juillet 2007. Les malades qui étaient [auparavant] envoyés à Conakry sont aujourd’hui référés à Boké.

« L’hôpital est censé couvrir toute la région, mais un seul médecin a été formé, il suit aujourd’hui 129 patients sous ARV », a noté Nathalie Daries, chef de mission de Solidarité thérapeutique et initiatives contre le sida (SOLTHIS) en Guinée, une organisation qui a débuté ses activités dans le pays début 2008 et dont l'un des objectifs est de former des professionnels de la lutte contre le sida, notamment dans la zone de Boké.

Conscientes de la situation, les sociétés minières ont pourtant hésité à s’engager dans la lutte contre le sida au départ, a noté M. Yaya Diallo, de la CMG. « Les entreprises étaient frileuses parce qu’elles avaient déjà des dépenses de santé très élevées, et le sida est un trou sans fond ».

Mais l’impact de l’épidémie sur le secteur minier commençant réellement à se faire sentir, plusieurs entreprises de la CMG, qui compte 66 membres travaillant dans et autour du secteur minier, se sont alors penchées sur le problème au début des années 2000.

« On a vu le coût que représentait [le VIH] pour l’entreprise : coût des médicaments pour les infections opportunistes, coût de l’absentéisme, coût des décès et donc des cérémonies, sans parler de l’ambiance que cela créait et du sentiment d’abandon », s’est souvenu M. Yaya Diallo.

Certaines entreprises ont alors lancé des programmes. « On a commencé par faire du dépistage, mais on n’est pas allé jusqu’aux ARV », a-t-il dit.

« Les employés n’ont pas compris pourquoi : on soignait sur place des maladies plus graves ou plus chères [que le VIH], comme des cancers, du diabète ou de l’hypertension, mais pour le VIH, il fallait toujours aller à Conakry ? Le dépistage avait du succès, mais offrir ce service et rien derrière, c’était la meilleure manière de torpiller nos programmes : on est donc allé voir les partenaires ».

Et certains partenaires, comme la Banque mondiale, l’USAID et Partenaires contre le sida –une initiative lancée en 2006 par deux réseaux d’entreprises internationales- ont répondu présent. En 2003, des représentants de la CMG se sont rendus en Afrique du Sud, un des pays les plus touchés au monde par le VIH et où le secteur minier est important, puis au Cameroun, pour étudier la réponse du secteur à l’épidémie.

La SAG (Société aurifère de Guinée), a ainsi mis en place son programme, a expliqué à IRIN/PlusNews le docteur Abdoulaye Baldé, médecin-chef de l’entreprise, dont le site se trouve à Siguiri, à environ 800 kilomètres de Conakry.

Quelque 120 pairs éducateurs ont été formés pour encourager au dépistage, a-t-il expliqué. Ce service de dépistage, proposé aux employés, à leurs dépendants et aux communautés riveraines, a attiré 1 300 personnes en 2007.

Ce résultat a pu être atteint après un long travail de sensibilisation, notamment pour rassurer les employés. « Un employé dépisté positif ne perd aucun avantage », a précisé M. Baldé. Le test d’embauche dans la société ne comporte pas de test VIH.

Pour l’instant, en l’absence d’un médecin habilité à prescrire la mise sous ARV, les patients de la SAG sont encore référés à Conakry pour le démarrage du traitement, mais le renouvellement de leurs prescriptions et le suivi des infections opportunistes se fait ensuite sur place.

Aujourd’hui, 35 employés de la SAG reçoivent leurs ARV au centre de santé de l’entreprise. Pour tenter de pallier le problème de ruptures d’approvisionnement en ARV qu’a connu la Guinée en 2008, la société a constitué un stock de sécurité de six mois, a expliqué M. Baldé.

Etablir un partenariat public-privé

Mais au de-là des employés, l’objectif des entreprises est aussi de s’occuper des dépendants et des communautés. Pour cela, elles plaident pour la mise en place d’un partenariat public-privé, afin de proposer ces services VIH/SIDA aux communautés et d’assurer leur pérennité.

« Cela n’a pas de sens de le faire uniquement pour les employés », a noté M. Yaya Diallo. « Et puis, le VIH est une maladie à vie. Aujourd’hui, l’employé [infecté] peut être pris en charge par sa société, mais demain ? Qui va s’en occuper quand il ne sera plus [employé de la société], s’il n’y a pas de partenariat ? »

Les autorités sont tout à fait favorable à la mise en place d’un tel partenariat, a dit le docteur Mouctar Diallo, coordonnateur du Programme national de prise en charge sanitaire et de prévention des IST [infections sexuellement transmissibles]/VIH/SIDA, le PNPCSP. L’Etat avait d’ailleurs déjà suggéré cette solution, il y a quelques années, à l’époque où les entreprises minières étaient encore réticentes à s’investir dans la lutte, a-t-il souligné.

Cette question du partenariat a été de nouveau discutée lors d’une mission conjointe organisée en octobre sur le terrain par l’initiative PCS et la multinationale minière Alcan/Rio Tinto, réunissant tous les partenaires impliqués dans la lutte contre le sida dans le secteur minier en Guinée, afin de définir un cadre d’action et de déterminer le rôle de chacun.

« [L’Etat] peut fournir les ARV, et en contrepartie on soigne leurs patients. Nos sociétés sont prêtes à installer du matériel et à partager avec les autres, on le fait déjà. On est aussi des citoyens », a dit M. Yaya Diallo, dont l’entreprise, la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), est un des plus gros financeurs de l’hôpital de Kamsar, dans la région de Boké.

Pour cela, il faudrait déjà établir les besoins de prise en charge sur les sites miniers et pour les populations alentours, des informations qui, en l’absence d’un système de données sanitaires efficace, font cruellement défaut.

La Guinée a connu plusieurs mois de rupture d’approvisionnement en ARV, dus à un conflit entre les autorités en charge de la gestion des financements du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’un des deux principaux bailleurs de fonds de la lutte contre le sida dans le pays, et l’organisme international.

Les zones minières n’ont pas échappé aux conséquences de ces ruptures. « On a formé 34 médecins. Depuis décembre [2007], on a des médecins formés, mais ils n’ont pas de molécules à prescrire : il faut tout reprendre à zéro », a regretté M. Yaya Diallo. « Le souci des entreprises, c’est de soigner. On ne peut pas se substituer à [l’Etat], mais on a compris qu’il y avait des problèmes [d’approvisionnement en médicaments], donc on peut constituer un stock de sécurité ».

Il faudrait cependant que l’Etat, que tous les acteurs de la lutte contre le sida en Guinée, y compris institutionnels, reconnaissent comme trop peu impliqué, soit plus présent.

« Les sociétés minières sont prêtes, elles attendent un signal », a dit M. Yaya Diallo. « Nous sommes les plus gros contributeurs de l’économie du pays. Que va-t-il se passer si on ne soigne pas nos forces vives ? »

* Un nom d'emprunt

ail/


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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