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Un génocide par déni

L’Ouganda a été surnommé « le berceau » de l’épidémie de sida. Certains des premiers cas de VIH/SIDA ont été diagnostiqués dans le district central de Rakai, où des chauffeurs routiers qui parcouraient de longues distances ont commencé à mourir d’une mystérieuse maladie au milieu des années 1980.

Cette maladie, qui ne touchait alors qu’un petit groupe de population, s’est rapidement transformée en une pandémie mondiale, avec l’Afrique comme épicentre.

Bien qu’il soit le plus affecté par l’épidémie, le continent africain a été exclu de la lutte pendant des années, et n’a pu bénéficier des campagnes de prévention et des interventions des laboratoires pharmaceutiques que tardivement.

Dans son nouveau livre, intitulé 'Genocide by Denial: How Profiteering from HIV/AIDS Killed Millions' (en anglais), le docteur Peter Mugyenyi relate l’histoire de l’épidémie de VIH/SIDA en Ouganda, sur la ‘ligne de front’ : hôpitaux, orphelinats, cimetières, maisons de sorciers.

M. Mugyenyi est l’un des fondateurs du Joint Clinical Research Centre for HIV/AIDS (JCRC) en Ouganda, qui est à l’origine de l’approvisionnement du pays en traitements antirétroviraux (ARV), dans le milieu des années 1990.

Le livre est un récit personnel, sur la manière de « jeter un seau d’eau sur la tour infernale » de l’épidémie de VIH en Ouganda, à une époque où le pays ne pouvait pas faire grand-chose d’autre que regarder son peuple mourir de maladies longues et évitables.

Après ses études de médecine au Royaume-Uni, M. Mugyenyi est rentré en Ouganda, où il a découvert le lourd bilan humain de l’épidémie. Chaque jour, il observait des parents enterrer leurs enfants et des enfants enterrer leurs parents. Les médicaments qui auraient pu sauver la vie de ses patients étaient disponibles, mais les malades n’avaient pas les moyens de se les procurer.

« Une grande majorité de mes patients ne sont pas seulement morts à cause du sida, mais à cause de la pauvreté », a-t-il écrit.

Au début des années 1990, la première génération d’inhibiteurs de protéase [des médicaments anti-VIH conçus pour empêcher la réplication du virus] coûtait 14 000 dollars, par année, par patient, à une époque où la majorité des Ougandais gagnaient moins d’un dollar par jour.

M. Mugyenyi a dû renvoyer des milliers de patients, parmi lesquels certains de ses proches, car le coût des médicaments qui auraient pu prolongent leur espérance de vie était prohibitif. Ni ses proches, ni la plupart de ses nombreux autres patients ne comprenaient pourquoi ils ne pouvaient obtenir les médicaments dont ils avaient besoin si ceux-ci existaient.

Dans son récit racontant la bataille ougandaise pour se procurer des ARV à un prix abordable, M. Mugyenyi rappelle des détails presque inimaginables pour le monde actuel, où un traitement anti-VIH revient à 10 dollars par mois.

Il raconte, par exemple, comment au plus fort de l’épidémie, les gens commençaient à organiser les funérailles dès qu’un membre de leur famille se mettait à tousser; ou comment les restaurants où l’on servait du porc, à Kampala, la capitale, étaient devenus populaires, car les personnes pensaient pouvoir compenser la perte de poids associée à la maladie “qui rend maigre” [un euphémisme local pour VIH/SIDA] en mangeant du porc.

Il dénonce violemment les laboratoires pharmaceutiques qui, selon lui, auraient pu sauver des vies, mais ne l’ont pas fait, les accusant d’avoir bloqué la production de versions génériques de leurs ARV, sous prétexte de devoir rentrer dans leurs frais – une excuse que M. Mugyenyi repousse avec conviction.

Par exemple, il a découvert que les laboratoires pharmaceutiques investissaient beaucoup plus de fonds dans le marketing des traitements ARV que dans leur développement, notamment dès lors que plusieurs des composantes nécessaires à l’élaboration des médicaments étaient déjà disponibles.

De plus, il démontre comment ces prévarications ont été liées au mythe selon lequel les Africains n’étaient pas capables d’observer de manière efficace un traitement ARV toute une vie durant, dans le but de leur refuser l’accès aux médicaments.

Les bailleurs de fonds ne sont pas épargnés. Avant l’entrée en scène des grands financeurs tels que le Plan d’urgence du président George Bush contre le sida (PEPFAR), les bailleurs de fonds n’accordaient qu’une aide minime qui ne servait pas à grand-chose d’autre qu’à servir leur image publique.

« Tous les dons ne devraient pas être acceptés, car certains de ces dons finissent par aider les donateurs », a dit M. Mugyenyi.

Enfin, il critique les leaders africains qui ne se sont pas unis, afin de faire face à une crise qui était indéniablement commune. Il exhorte les leaders actuels à défendre les besoins de leurs populations et à s’unir contre les lois internationales qui cherchent à limiter l’accès aux ARV génériques bon marché.

M. Mugyenyi conclut son livre par une mise en garde : même si la lutte contre le sida se poursuit, d’autres épidémies mondiales que l’on peut éviter comme le syndrome respiratoire aigu sévère (SARS) prennent de l’ampleur et représentent d’importantes menaces sanitaires, si les enseignements tirés de l’épidémie de VIH/SIDA sont ignorés.

gg/kr/he/cd/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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