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Des risques toujours plus grands dans le delta du Niger

Le déploiement de soldats supplémentaires dans le delta du Niger, la région pétrolière instable du Nigeria, a certes permis d’accroître la sécurité, mais les commandants de ces troupes pensent eux-mêmes qu’aucune solution militaire ne sera efficace contre les jeunes hommes armés qui attaquent les installations pétrolières et les soldats chargés de les surveiller, pour obtenir une meilleure répartition des richesses de la région.

Fin juillet, des éléments du Mouvement d’émancipation du delta du Niger (MEND en anglais), un des nombreux groupes militants opérant dans le sud de la région, ont fait explosé deux importants oléoducs appartenant à la compagnie Shell, mais l’armée nigériane s’est engagée à recourir le moins possible à la force pour rétablir l’ordre, afin de créer des conditions propices à un accord politique.

Selon les critiques, la volonté affichée par le gouvernement de résoudre la crise n’a que très peu permis de lutter contre l’indifférence et la pauvreté dont souffre cette région, et dont seule l’éradication permettrait d’aller de l’avant.

Le chaos qu’a connu Port Harcourt, capitale de l’Etat de Rivers State et siège des industries du gaz et du pétrole dans le delta, en août 2007, constitue une bonne illustration du problème. Des politiciens ont armé de jeunes chômeurs, qui se sont servis de leurs armes pour enlever des individus et se livrer à des guerres de gangs.

Ces jeunes ont en outre tué plus d’une centaine de personnes à Port Harcourt, avant que les forces de sécurité de la Joint Task Force (JTF, force mixte police-armée) ne parviennent à maîtriser le chaos.

« On peut dire que la paix règne à Port Harcourt, mais les conditions propices au vandalisme et aux massacres sont-elles réglées ? La réponse est ‘non’ », a commenté le journaliste Akanimo Sampson. « Ce dont nous avons été témoins [les violences] est un moyen politique pour les jeunes d’attirer l’attention des autorités sur les problèmes non résolus qui existent dans les régions riches en gaz et en pétrole du Nigeria. »

Pour bon nombre d’habitants des quatre principaux Etats du delta, le temps des négociations est révolu. Ils veulent un accord fondé sur les conclusions, en 2005, d’un comité présidé par le lieutenant général Alexander Ogomudia, qui appelait le gouvernement à octroyer à la région 50 pour cent de ses revenus perçus au titre des activités menées dans le delta, et recommandait l’abrogation des lois ayant permis d’exproprier les populations de leurs terres.

Le comité demandait également la libération du chef militant Henry Orkah ; de la transparence de la part du gouvernement fédéral dans le cadre du financement de la Commission de développement du delta du Niger ; la création d’emplois ; et la mise en œuvre d’un ‘plan Marshall’ dans la région, promis lors des élections par le président nigérian Umaru Yar’Adua.

Cependant, pour Isaac Osuaka, militant de la société civile, tant qu’un système politique gangrené par la corruption, qui renie la vraie démocratie tout en cautionnant le pillage massif des ressources, sera en place, l’instabilité prévaudra.

« Si les collectivités pouvaient élire directement leurs représentants politiques [sans qu’il y ait de fraude], les militants déposeraient systématiquement les armes », a-t-il déclaré à IRIN/PlusNews. En attendant, « nous aurons droit à des moments de quiétude et à des moments de troubles. »

Le docteur C. Okeh, qui préside le Comité VIH/SIDA de l’Etat (SACA en anglais), a dit craindre que l’agitation ne détruise le travail que son comité et les partenaires non gouvernementaux effectuent dans la région. « En tant de crise, la population n’a pas le temps de prêter attention aux messages [de prévention du VIH], elle pense d’abord à sa survie immédiate », a-t-t-il déploré.

Le risque du VIH

« Le viol est endémique, ces militants font tout ce qu’ils veulent, et lorsqu’un conflit éclate, l’armée intervient et commet elle aussi des viols », a regretté M. Okeh. Le SACA travaille de concert avec la police et la Brigade 2 de l’armée basée à Port Harcourt, qui ont toutes deux des programmes de lutte contre le sida bien établis. Toutefois, la JTF, un groupe fédéral, n’est pas associée au SACA.

L’Etat de Rivers State affiche un taux de prévalence du VIH de 5,4 pour cent - soit un point supérieur à la moyenne nationale, de 4,4 pour cent – et présente des facteurs de risque qui pourraient faire croître ce taux.

Doté d’un port maritime et d’un aéroport international, Port Harcourt est une destination de choix pour les migrants. Selon une étude nationale sur le VIH/SIDA et la santé de la reproduction, la région affiche la plus forte incidence de rapports sexuels effectués en échange de dons ou d’argent. En outre, cette même région, où la consommation d’alcool est la plus importante du pays, connaît la plus forte concentration de personnes ayant des partenaires sexuels multiples.

« A Rivers State, la population vit au rythme des activités pétrolières et gazières. Les travailleurs du sexe suivent les camps », a expliqué M. Okeh. « On enregistre une augmentation du taux de prévalence [du VIH] parmi les communautés paysannes et celles qui vivent de la pêche. En outre, certaines collectivités sont touchées de plein fouet par le chômage ».

On estime à 120 000 le nombre de personnes vivant avec le VIH/SIDA à Rivers State. A l’heure actuelle, quelque 5 230 ont accès à un traitement antirétroviral, disponible auprès de sept centres de santé publics.

Par exemple, le centre de santé de Bonny Island, situé à une heure de bateau de Port Harcourt, est régulièrement confronté à des problèmes d’approvisionnement à cause de la piraterie.

« En raison de l’insécurité, nous ne pouvons faire parvenir des médicaments et autres fournitures sur le site. Personne n’est prêt à mettre sa vie en jeu », a confié le docteur David Fabara, coordonnateur du programme d’accès au ARV/surveillance, dans l’Etat.

« Nous craignons qu’il y ait un problème continu de résistance [médicamenteuse, causée par l’interruption du traitement] », a-t-il poursuivi.

Eleme, située le long des criques du delta et à une heure de route de Port Harcourt, est une autre région aux prises avec l’agitation. Elle dispose de la plus vieille raffinerie de pétrole du pays et est le théâtre de tensions communautaires entre la population d’Okrika et celle d’Eleme. Ces tensions portent sur la propriété des terres sur lesquelles la raffinerie se situe – et en conséquence, sur les éventuelles redevances.

Une industrie du sexe, en pleine expansion, s’est développée aux abords immédiats des raffineries afin de répondre aux besoins des chauffeurs routiers, des négociants et des travailleurs de l’industrie pétrolière.

Les troupes basées au bord de la rivière, qui font l’objet d’attaques intermittentes lancées par les jeunes militants, ont imposé un couvre-feu. Ainsi, à partir de 21 heures, le commerce du sexe est suspendu afin d’éviter que les gens ne traînent dans les rues.

Selon les professionnelles du sexe interrogées par IRIN/PlusNews, l’armée impose le couvre-feu en descendant régulièrement dans les cabanes, en virant les clients, en éteignant les lumières, et en forçant brutalement les femmes à regagner leur chambre.

Charity Ekititi a confié avoir été violée trois semaines auparavant par un soldat. « [En bons soldats], ils vous b… par-dessus leur uniforme. Il a mis un préservatif, mais ne m’a pas donné d’argent », a-t-elle dit.

Son amie Patience Okada s’est également indignée du traitement. « Les soldats nous dérangent. Ils chassent nos clients, nous fouettent. Les gens partent en courant, en laissant une chaussure dans ma chambre [dans la hâte, un client a oublié une de ses sandales]. »

Lors de l’extinction des lumières, les voleurs armés deviennent un nouveau problème : « Ils arrivent et frappent à la porte, vous ouvrez, et ils volent votre téléphone portable et votre argent », a-t-elle expliqué.

Queen Henry, paire éducatrice auprès des travailleuses du sexe de la région, qui a monté un petit commerce, a confié avoir été contrainte à vendre de nouveau son corps.

« Si je ne recommence pas à me prostituer, mes [revenus] seront maigres », a-t-elle expliqué.

Certaines femmes du groupe, fatiguées d’être harcelées, travaillent désormais dans d’autres lieux de prostitution de l’Etat.

L’insécurité « pose de gros problèmes, car nous sommes en situation d’épidémie généralisée et un taux de prévalence très élevé est enregistré dans l’état, et même à l’intérieur des terres », a conclu M. Okeh.

oa/he/kn/cd/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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