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Une nouvelle proposition de loi pour lutter contre le trafic sexuel

En 2003, Hiba (un nom d’emprunt), alors âgée de 11 ans, a été contrainte d’épouser son cousin. Le lendemain de son mariage, elle a quitté Bagdad à bord d’une voiture et a été conduite jusqu’à la frontière avec la Syrie, où elle a été vendue à des trafiquants.

A Damas, la jeune Hiba a été forcée de danser dans des boîtes de nuit ou au domicile de particuliers, et quatre ans plus tard, elle s’est retrouvée enceinte, abandonnée par ses souteneurs, puis emprisonnée par les autorités syriennes pour s’être livrée à la prostitution.

Lorsque le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a rencontré Hiba, elle était sur le point d’être expulsée vers l’Irak. Début mars, le HCR, à qui l’adolescente a raconté son histoire, a réussi à la faire partir au Canada, où elle vient d’accoucher d’un garçon qu’elle a prénommé Zaman (autrefois, en arabe).

« Son nom symbolise ce moment de bonheur que je n’ai jamais connu », a-t-elle indiqué.

L’histoire de la jeune Hiba est loin d’être un cas isolé. Bien qu’il n’y ait pas de statistiques précises, les organisations humanitaires et les activistes pensent que des centaines de personnes de diverses nationalités sont introduites clandestinement chaque année en Syrie, dans le cadre du trafic de prostitution ou de domestiques, et du trafic d’organes. L’arrivée en Syrie de plus de 1,5 million de réfugiés irakiens, depuis 2003, n’a fait qu’aggraver la situation.

Une nouvelle proposition de loi

Après de longues négociations, une proposition de loi visant spécifiquement le trafic d’êtres humains en Syrie a été soumise à l’approbation du Premier ministre. Les défenseurs de ce projet de loi espèrent qu’une nouvelle loi sera adoptée par décret présidentiel et qu’elle entrera en vigueur dans quelques mois. Cette loi devrait durcir la peine minimale encourue pour trafic d’êtres humains, en la portant de trois à sept années d’emprisonnement, assorties d’une amende d’un million de livres syriennes (20 000 dollars américains).

« Nous voulons disposer de la meilleure législation au monde pour lutter contre le trafic d’êtres humains », a indiqué Farouk el Basha, membre influent de la commission chargée de rédiger la proposition de loi sur le trafic d’êtres humains et membre de la commission des Affaires familiales.

« Le plus important, c’est que, pour la première fois, la personne victime du trafic d’êtres humains sera considérée comme telle et ne sera pas punie. Nous nous attaquerons aux trafiquants et aux causes du trafic d’êtres humains », a-t-il affirmé.


Actuellement, la Syrie ne dispose pas d’un arsenal juridique spécifique de lutte contre le trafic d’êtres humains. Les trafiquants sont jugés selon le code pénal classique et dans la majorité des cas, les victimes sont condamnées à des peines plus lourdes que les trafiquants eux-mêmes. Les femmes, en particulier, sont placées dans des centres de détention et expulsées parce que leur visa d’entrée a expiré ou parce qu’elles se livrent à la prostitution.

L’article 509 du Code pénal syrien interdit la pratique de la prostitution et prévoit une peine de trois mois à trois ans de prison, ou une amende qui peut aller jusqu’à 115 dollars, à l’encontre de toute personne impliquée dans l’industrie du sexe.

« La législation syrienne ne protège pas les droits des femmes », selon Maïssa Hilyoa, une activiste des droits de la femme. « La femme, qui est la victime, écope de la même peine que l’homme qui, souvent, l’a contrainte à se prostituer ».

Malgré la loi de 2006, qui interdit la pratique, il y a actuellement en Syrie une centaine d’agences de recrutement qui proposent des jeunes filles comme domestiques à domicile. Bon nombre de ces filles ont été amenées en Syrie contre leur gré et n’ont pratiquement aucun droit.

Le trafic de femmes destinées à l’industrie du sexe et des loisirs est aussi important. Selon certains témoignages, des centaines de jeunes filles irakiennes ont ainsi été vendues, les réfugiés de Syrie devenant de plus en plus prêts à tout pour survivre. Il se dit aussi que des jeunes filles russes sont amenées en Syrie pour travailler dans l’industrie du sexe.

Un rapport américain

Selon le rapport annuel sur les droits humains du Département d’Etat américain publié le 11 mars, la Syrie « n’applique pas correctement la réglementation minimale en matière d’éradication du trafic d’êtres humains et n’a pas fait d’effort important dans ce sens au cours de l’année ». Le rapport note cependant que la Commission ayant rédigé la proposition de loi contre le trafic d’êtres humains s’est réunie trois fois au cours de l’année 2007.

« La Syrie est un pays de destination pour les femmes originaires des pays du Sud/Sud-Est de l’Asie et de l’Afrique, dans le cadre du trafic de domestiques, et pour les femmes originaires des pays d’Europe de l’Est et d’Irak, dans le cadre du trafic sexuel », peut-on lire dans le rapport.

Réagissant au contenu du rapport, dans son ensemble, le ministre syrien des Affaires étrangères a indiqué qu’il « n’était pas objectif et était basé sur des considérations politiques ».

« Je note un véritable engagement du gouvernement syrien à propos de ce problème », a déclaré Maria Rumman, responsable de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Syrie, l’organisme international chargé de lutter contre le trafic des êtres humains. « Le gouvernement est plus engagé à travailler sur ce problème que les autres pays de la région ».


Photo: Hugh Macleod/IRIN
Deux domestiques originaires d'un pays d'Asie du Sud-Est à leur arrivée à l'aéroport de Damas. Malgré la loi de 2006, qui interdit la pratique, il y a actuellement en Syrie une centaine d’agences de recrutement qui proposent des jeunes filles comme domestiques à domicile.
Une aide aux victimes

Selon Sybella Wilkes, porte-parole du HCR à Damas, chaque semaine, jusque 50 Irakiennes accusées de prostitution sont emprisonnées.

« Certaines sont des professionnelles, mais pour bon nombre d’autres femmes, ce sont des gangs ou des membres de leur famille qui les obligent à se prostituer », a-t-elle indiqué.

L’OIM, l’Union générale des femmes syriennes, le HCR et de petites organisations non-gouvernementales (ONG) locales ont renforcé leur soutien aux personnes victimes du trafic d’êtres humains.

« Nous voulons sensibiliser les gens à la lutte contre ce phénomène et combattre le crime », a indiqué Mme Rumman, à propos des ateliers que l’OIM dirige en Syrie depuis septembre 2005, en vue de renforcer les capacités locales en matière de prévention contre le trafic d’êtres humains.

Plusieurs centres d’accueil ont également été ouverts pour héberger temporairement les femmes qui ont pu échapper aux trafiquants, et des centres de formation ont été créés par le ministère des Affaires sociales.

« Nous travaillons actuellement à la construction d’un grand centre d’accueil pouvant héberger plus de 100 femmes », a affirmé M. el Basha. Ce centre devrait ouvrir ses portes dans deux ou trois mois.

Les organisations qui gèrent les centres d’accueil n’ont pas permis à IRIN de prendre contact avec leurs pensionnaires, victimes du trafic d’êtres humains, invoquant le caractère sensible du problème.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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