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Le VIH/SIDA bien caché derrière l’écran de fumée de l’insécurité

Occupés à combattre la criminalité dans le pays, les policiers haïtiens ont parfois du mal à concevoir que le VIH représente une menace au moins aussi réelle que celle des gangs, et le peu de moyens accordés à la lutte contre l’épidémie ne les aide pas à s’en convaincre.

« Le sida, on n’en parle pas, ça fait trop peur et après on ne peut plus [avoir de relations sexuelles] », fanfaronne un grand gaillard de près de deux mètres, après avoir demandé s’il y avait des préservatifs à prendre quelque part, provoquant l’hilarité de ses collègues policiers avec lesquels il discute dans la cour du quartier général de la Police à Port-au-Prince, la capitale, en attendant de partir en opération.

L’histoire récente de Haïti a été marquée par des explosions de violences liées à l’instabilité politique –violences, y compris sexuelles, dont se seraient rendus coupables de nombreux membres des forces de sécurité au cours des troubles politiques et après, selon plusieurs organisations de défense des droits de l’homme.

Dans ce pays des Caraïbes le plus touché par l’épidémie de VIH/SIDA, la Police, qui compte dans ses rangs d’anciens militaires intégrés progressivement après la dissolution de l’armée en 1994, n’a pas été épargnée par le virus, en dépit de l’assurance affichée par le policier.

En 1995, alors que le taux de prévalence des femmes enceintes était estimé à environ quatre pour cent, « le taux de prévalence du VIH dans la Police oscillait entre quatre et six pour cent, il était même plus élevé chez les anciens militaires qui ont été intégrés dans la Police : de l’ordre de 12 à 15 pour cent », a dit à IRIN/PlusNews le docteur Harry Brossard, responsable du service de santé de la Police nationale haïtienne (PNH).

L’arrivée progressive des bailleurs de fonds et la mise en place de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) en 2004, après le départ en exil forcé de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, a alors permis, en collaboration avec le ministère de la Sécurité publique, de lancer des programmes de prévention et de traitement du VIH dans la Police.

Avec le soutien de la MINUSTAH et d’autres bailleurs de fonds, comme le Fonds des Nations Unies pour la population, FNUAP, des programmes de sensibilisation sur l’épidémie ont été mis en place, et des préservatifs mis à disposition des quelque 7 000 policiers que compte ce pays de moins de huit millions d’habitants.

L’organisation Population services international, basée aux Etats-Unis, a également lancé en 2005 un programme de formation de pairs éducateurs et de sensibilisation sur le VIH/SIDA au sein de la Police.

Environ 200 pairs éducateurs ont ainsi été formés, et leur action de sensibilisation, de commissariat en commissariat, a eu pour conséquence d’attirer des centaines de policiers vers le centre de dépistage volontaire (CDV) mis en place dans le centre de santé du quartier général de la PNH à Port-au-Prince.

L’arrivée des bailleurs de fonds, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et le Plan d’urgence du président George Bush contre le sida, Pepfar, a ensuite permis aux autorités d’offrir des traitements antirétroviraux aux policiers infectés.

« Ceux qui sont déjà intégrés dans les rangs de la Police et sont dépistés positifs n’ont pas à s’inquiéter, nous les prenons en charge gratuitement », a dit le docteur Brossard.

La situation est différente pour les 650 étudiants –dont un quart de femmes- que compte chaque promotion de l’Académie de Police, depuis que le test de dépistage du VIH a été intégré à la série d’examens médicaux obligatoires préalables au recrutement.


Photo: Anne Isabelle Leclercq/IRIN
L'armoire à pharmacie de la PNH a été bien approvisionnée pendant un temps, mais contient aujourd'hui surtout des boîtes de médicaments vides
« Les postulants [à l’Académie] dépistés positifs au VIH sont référés [à des centres de traitement du VIH] mais nous ne les recrutons pas. Nous n’avons pas les structures adéquates pour les absorber, et lors des opérations contre les gangs ou au cours des émeutes, ils peuvent être blessés », a-t-il expliqué.

Un taux en baisse, mais pour combien de temps ?

Ces mesures ont eu pour conséquence de faire baisser le taux de prévalence du VIH parmi les hommes en uniforme : ce taux était estimé il y a un an à moins de trois pour cent, contre 2,2 pour cent pour la population générale, selon les autorités.

Mais « il ne suffit pas seulement de recruter des hommes en bonne santé, il faut aussi les maintenir en bonne santé », a commenté le docteur Brossard.

Et c’est là que les soucis commencent. « Depuis des années, la priorité de la Police, c’est l’insécurité », a-t-il noté.

Le déploiement de la MINUSTAH et les actions menées pour démanteler les gangs qui contrôlent certaines zones, notamment les bidonvilles de Port-au-Prince, ont permis de rétablir une certaine sécurité, « mais nous n’avons toujours pas de moyens pour la lutte contre le sida », a-t-il regretté.

Le budget alloué par la PNH à son service de santé plafonne à 1 000 dollars par mois, pour couvrir les besoins de l’ensemble des policiers du pays. A ce budget squelettique s’ajoute le fait que certains programmes VIH/SIDA ont été suspendus ou réduits par manque de fonds, une annonce vécue comme une catastrophe par le docteur Brossard et son adjoint, le docteur Edwin Belledent.

« Avec la sensibilisation, on avait entre 40 et 50 demandes de dépistage par mois, mais maintenant qu’il n’y a plus de fonds, la fréquentation a chuté, de toute façon nous n’avons plus de tests », a déploré le docteur Belledent, également coordinateur du CDV du centre de santé de la PNH.

La pharmacie du service de santé n’a quasiment plus de médicaments à offrir à ses patients, a précisé le docteur Brossard, en montrant les étagères dégarnies d’une armoire remplie de boîtes et de sachets vides.

Une situation qui inquiète d’autant plus les responsables de la santé que le redémarrage de l’économie, mise à mal par les années d’instabilité, dépend en grande partie de la capacité du pays à rétablir la confiance des investisseurs et de touristes, et donc à garantir la sécurité.

Or « l’insécurité reste une inquiétude même si en apparence, ça va mieux », a dit le docteur Brossard, et des policiers peu motivés et en mauvaise santé ne seront pas d’une grande aide.

Pour beaucoup de policiers confrontés quotidiennement à la violence, le VIH ne représente pas une préoccupation majeure, même s’ils se disent sensibilisés sur les dangers de l’épidémie.

« On est mal payé, on peut être tué, dans les opérations contre les gangs ou même simplement sur le chemin en rentrant chez nous, parce que les gens savent qu’on est policiers », a expliqué un jeune policier d’une trentaine d’année, en désignant un véhicule de fonction criblé de balles, garé dans la cour du quartier général de la Police.

« La plupart des policiers veulent quitter la Police dès qu’ils trouveront mieux, moi, dès que je pourrai, je changerai de métier : c’est trop dur et c’est trop dangereux », a-t-il résumé, découragé.

ail/

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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