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A la recherche d'une âme sœur positive

Lorsqu’elle a appris sa séropositivité il y a neuf ans, Clémentine Banzoat, mère de deux enfants, a perdu à la fois son partenaire, père de son deuxième enfant, et son emploi. Après avoir vécu plusieurs échecs sentimentaux avec des hommes séronégatifs, elle a décidé de se tourner vers des hommes infectés au VIH pour fonder une famille.

« Je suis intéressée par un [homme] séropositif, sous traitement ou non, mais en pleine forme et ambitieux comme moi », a confié cette Camerounaise de 41 ans à IRIN/PlusNews. « Ce n’est pas facile d’en trouver ».

Ses déceptions amoureuses avec des hommes séronégatifs ont convaincu Clémentine de miser dorénavant sur des partenaires de même statut qu’elle. «J’ai souvent été repoussée par des personnes saines lorsqu’elles ont appris que j’avais le sida », a-t-elle dit.

Voyant les années passer, elle a dit craindre de finir sa vie seule. « A deux, c’est toujours plus facile de faire face à la maladie et de partager ses angoisses », a-t-elle noté, ajoutant que sans ressources financières, elle devait se battre au jour le jour pour ne pas finir dans la rue.

Comme Clémentine, de nombreuses personnes séropositives, hommes comme femmes, peinent à trouver le partenaire idéal. Cette situation a amené la SWAA Littoral, la branche locale de l’organisation panafricaine Society for women against AIDS in Africa, à créer il y a trois mois une 'agence matrimoniale' pour personnes séropositives.

« Cette initiative est une réponse que nous avons voulu apporter à la demande sans cesse croissante des malades que nous suivons », a expliqué Frédéric Alone, chargé de programme à la SWAA Littoral.

Avant même la création de cette agence, une de ses animatrices, Nadège Yawé, conseillère psychosociale, s’était déjà investie à titre individuel dans le rapprochement entre personnes séropositives.

« Ma fierté est d’avoir réussi à former, il y a six mois, deux couples », a-t-elle indiqué. Si le premier couple n’a pas fonctionné très longtemps, en raison de problèmes financiers, le second est, en revanche, solide et prometteur, d’après Mme Yawé. « Les deux sont très épanouis et envisagent d’ailleurs d’officialiser leur union ».

La toute jeune agence a déjà enregistré l’adhésion de plus d’une vingtaine de personnes infectées au VIH, dont une grande majorité de femmes.

« Cette suprématie de demandes féminines n’est pas surprenante, d’une part parce qu’il existe plus de femmes séropositives que d’hommes au Cameroun, et d’autre part parce que les patients masculins n’aiment pas pour la plupart s’afficher », a dit Mme Yawé.

Rapprocher, conseiller

Les annonces qui parviennent à l’agence sont consignées dans un cahier de rencontres. Lorsque deux profils se rapprochent, l’agence convie les intéressés à un premier rendez-vous et se charge, si affinités, du suivi de l’évolution de la relation.


Photo: Reinnier Kaze/IRIN
Le siège de la SWAA Littoral
« Nos interventions se limitent aux conseils, notamment sur le port des préservatifs lors des rapports sexuels et sur les précautions à prendre si les partenaires veulent avoir un enfant », a expliqué Mme Yawé.

Les couples vivant avec le VIH qui expriment le désir d’avoir un enfant se voient recommander de « faire appel aux méthodes modernes de procréation ou, dans le pire des cas, se mettre sous traitement et de n’avoir des rapports non protégés qu’en période de fécondation », a expliqué le docteur Madeleine Mbanguè, coordonnatrice de l’unité de prise en charge des patients infectés au VIH de l’hôpital Laquintinie de Douala, le grand port commercial du Cameroun.

La SWAA Littoral n’est pas la seule organisation à avoir eu l’idée de favoriser le rapprochement entre personnes vivant avec le VIH. D’autres associations locales sont porteuses d’initiatives similaires, et ces actions sont dans l’ensemble plutôt bien accueillies.

« En encourageant les personnes infectées à s’unir entre elles, on règle au moins deux problèmes : celui de la détresse qui contribue à détériorer l’état de santé du patient et celui des contaminations volontaires », a estimé Chantal Bellet Edimo, une activiste de la lutte contre le sida.

Un bénéfice qu’a aussi noté, chez des adultes vivant avec le VIH, le psychologue Guy Bertrand Tengpé. « Le rejet par le partenaire, la stigmatisation ou discrimination par l’entourage créent des difficultés psychologiques… [et peuvent] induire des états dépressifs », a-t-il dit.

La personne risque alors de « perdre tout envie de continuer à suivre ses soins, développer des conduites compensatoires telle que l’alcoolisme, le tabagisme ou l’abus de drogues, qui nuiront à sa santé », a-t-il constaté. 

Eviter les dérives 

Pourtant, trouver un partenaire du même statut sérologique n’est pas forcément un gage de réussite du couple. Clémentine Banzoat en a fait récemment l’expérience, lorsqu’elle a dû se séparer de son compagnon, également infecté au VIH, huit mois après le début de leur histoire.

« J’ai dû mettre un terme à cette relation parce que mon partenaire était très infidèle et ne voulait pas de rapports protégés », a-t-elle expliqué.

D’autre part, M. Tengpé a également mis en garde contre de possibles dérives. « Il y a … un risque d’auto-marginalisation de [la personnes] séropositive, qui a … peur de voir son statut révélé, [vit] par anticipation la supposée stigmatisation des autres et [refuse de manière] plus ou moins consciente d’entrer en relation avec [des personnes séronégatives] ou séro-ignorantes ».

Tout en reconnaissant « l’objectif noble de telles initiatives », il a dit craindre qu’elles puissent « contribuer à créer ou entretenir chez la [personnes vivant avec le VIH] une faible estime de soi, une perte de confiance en soi et en ses capacités à développer des relations affectives … avec l’autre, quelque soit son statut sérologique ».

Une réserve également partagée par Lucie Zambou, présidente du Réseau camerounais des associations de personnes vivant avec le VIH (RECAP+).

« Je ne suis pas fondamentalement opposée à ce type de rapprochement, mais [il ne faut pas] que cela ne favorise, à terme, l’émergence de deux mondes avec d’un côté les [personnes] séropositives, et les séronégatives de l’autre », a-t-elle dit.

rk/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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