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Le « sexe sûr » expliqué aux ouvriers de chantiers

Les uns détournent le regard, les autres rient nerveusement. Certains regardent fixement et d’autres ne cachent pas leur timidité.

Les réactions ne sont jamais les mêmes. Ce qui est sûr, c’est que lorsque Daniel Delgado sort le pénis en bois de sa pochette noire pour montrer, avec une désinvolture enviable, comment utiliser un préservatif correctement, cela ne laisse personne indifférent.

Au milieu des marteaux piqueurs et des camions, M. Delgado parle comme à un ami du sexe sûr, des préservatifs et du VIH, à une audience formée d’hommes en sueur, en habits de travail salis par l’œuvre des chantiers.

Ce sont des ouvriers de l’entreprise portugaise Monte Adriano, qui est en charge du chantier de construction de cinq routes qui conduiront à l’intérieur de l’île de Santiago, une des 10 îles de l’archipel du Cap Vert, au large des côtes du Sénégal.

« Non, on n’attrape pas le virus en allant aux toilettes », explique M. Delgado. « Mais on peut l’attraper en faisant l’amour sans préservatif. Ayez donc toujours des préservatifs sur vous ».

M. Delgado, 42 ans, travaillait comme peintre en bâtiment au Portugal lorsqu’il a été diagnostiqué séropositif en 2000. Ne pesant pas plus que 36 kilos à l’époque, il a commencé immédiatement le traitement antirétroviral (ARV).

En 2004, M. Delgado a décidé de retourner au Cap Vert pour y travailler comme activiste. Dans ses bagages, il a pris l’équivalent de trois mois de traitement ARV, puisque dans sa terre natale, ces médicaments n’étaient pas encore disponibles.

Quatre jours après avoir avalé le dernier comprimé, l’activiste a reçu un appel de la directrice générale du ministère capverdien de la Santé, Jaqueline Pereira : les ARV venaient d’arriver au Cap Vert et M. Delgado a été la première personne séropositive du pays à les recevoir.

Le lien entre le pénis en bois utilisé par M. Delgado sur les chantiers et les salles de réunion des ministres, les entreprises de construction et les bailleurs de fonds n’est pas évident à établir, mais il est réel et stratégique pour le développement de l’archipel.

D’un point de vue économique, le fait que les entreprises protègent leur main d’œuvre a un sens, de même que, d’un point de vue social, le fait de protéger les communautés qui avoisinent les chantiers en a un aussi.

D’un point de vue politique, il est également important d’essayer de maintenir la séroprévalence au Cap Vert au taux actuel et très bas de 0,8 pour cent pour une population d’environ 500 000 habitants.

M. Delgado est une des pièces de ce puzzle. Cet activiste a été engagé par la Morabi, organisation non gouvernementale, engagée à son tour par Monte Adriano.

Le partenariat Morabi-Monte Adriano est soutenu par Millenium Challenge Account, un programme du gouvernement américain de soutien à des pays en développement qui font preuve de bonne gouvernance, comme le Cap Vert qui finance le chantier.

La Monte Adriano emploie 250 ouvriers sur ce chantier d’une valeur de 14,6 millions de dollars.

« Avec la mobilité des ouvriers et le contact avec les communautés, il faut éviter la propagation de l’épidémie », a expliqué Fátima Alves, coordinatrice de projets de la Morabi.

Des campagnes importantes

Les campagnes de prévention sont particulièrement importantes pour les ouvriers de chantiers de construction de routes, qui passent de longues périodes séparés de leur famille. Avec de l’argent et du temps libre, les relations sexuelles – souvent non protégées – deviennent une alternative attrayante.

Morabi compte une équipe de quatre personnes dans ce projet, initié en octobre 2006 et qui doit s’étendre sur trois ans.

Engagé il y a neuf mois, M. Delgado est sur le terrain tous les jours.

Durant la semaine il fait campagne dans les communautés, distribuant des tracts et des préservatifs, et organisant des séances d’information sur le test du VIH.

Tous les vendredis, il se rend à la cellule principale de l’entreprise à Santa Cruz, à environ 35 kilomètres de la capitale, Praia, et sur le chantier de Santa Catarina, qui se situe à environ 50 kilomètres de la capitale.

Ce travail régulier a dépassé les attentes de la Morabi. Une enquête effectuée de novembre de 2006 à juillet 2007 a montré que près de 4 000 personnes avaient reçu des informations sur le sida et que 15 000 préservatifs avaient été distribués.


Photo: Lilian Liang/PlusNews
"L'ignorance n'est pas un remède", proclame le slogan inscrit sur ce tee-shirt
Pendant cette période, 98 personnes ont fait le test du VIH, ouvriers et habitants des communautés environnantes confondus. Seulement un d’entre eux a été diagnostiqué séropositif : un travailleur guinéen, qui reçoit déjà des conseils et un traitement.

« Il s’agit d’un combat de tous. Nous avons déjà constaté un changement de comportement, plusieurs personnes ont commencé à utiliser les préservatifs », a affirmé Paulo Tavares, coordinateur des campagnes de l’entreprise de construction.

Malgré les bons résultats, cependant, M. Delgado se heurte encore à une certaine résistance dans son travail.

« Je n’utilise que des préservatifs importés. Les femmes aiment ceux qui sentent bon », a dit un des ouvriers, d’un air moqueur, en refusant d’utiliser les préservatifs nationaux.

M. Delgado parfois insiste, mais finit par laisser tomber. Il remet les préservatifs dans la boîte et soupire, se dirigeant vers la sortie. « Pour stopper le virus, le préservatif n’a pas besoin de sentir bon ».

Au dos de son t-shirt on peut lire en créole : « Minis !!! Ignora ê ka ramedi », ce qui veut dire « Hé, l’ignorance n’est pas un remède ».

Dans cette même optique, l’Organisation des femmes du Cap Vert (OMCV, en portugais) travaille avec les communautés avoisinant le chantier du bassin hydrographique de Picos et Engenhos, deux localités à l’intérieur de l’île de Santiago.

L’OMCV a été choisie par le ministère de l’Agriculture du Cap Vert pour développer des programmes de prévention du VIH dans un projet de construction de digues, plantation d’arbres et autres infrastructures du bassin.

Une partie des chantiers, d’une valeur de 22,5 millions de dollars, qui englobe la prévention, est financée par la Banque africaine de développement.

L’OMCV met l’accent sur la formation de leaders communautaires.

Ainsi, un vendredi après-midi d’octobre, 32 représentants de 25 associations communautaires – dont plus de la moitié venant de l’intérieur de l’île de Santiago – ont participé à la première formation sur le VIH et sida organisée par l’OMCV à Santa Catarina.

« Lorsqu’on forme quelqu’un de la communauté, l’impact est important », a constaté Vicenta Cabral Fernandes, déléguée de l’OMCV à Santa Catarina. « Le leader est élu par la communauté ; quand il passe le message, il promeut donc le changement de comportement ».

Le projet a démarré en août 2007 et doit s’étendre sur une année.

Celestino Cabral, 35 ans, représente une association communautaire de Engenhos et a participé à la première formation.

« J’aimerais transmettre ce que j’ai appris ici à la communauté, pour montrer les dégâts que le sida peut causer à la société », a-t-il déclaré. « Beaucoup de personnes négligent l’information parce qu’elles ignorent les risques ».

ll/ms/dc/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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