1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. Madagascar

Le microcrédit permet aux petites entreprises de changer la donne à Madagascar

Justine Sija, from Madagascar's southern Atsimo-Andrefana Region, has boosted her business as a fish vendor through access to microcredit Solange Nyamulisa/UNDP
Justine Sija, 60 ans, commence sa journée à 4 heures du matin ; elle achète des prises aux pêchers locaux avant d’aller les vendre dans les rues du village de St Augustin, dans la région Atsimo-Andrefana au sud de Madagascar. Le travail est dur, mais l’année dernière, l’accès au microcrédit lui a permis de développer son commerce et de croire en l’avenir.

« Avant, je gagnais entre 10 000 et 20 000 ariary (entre 4,50 et 9 dollars) par jour. Maintenant, grâce au crédit, je peux doubler cette somme », a-t-elle déclaré à IRIN. « Je peux envoyer mes quatre [petits] enfants à l’école, acheter du bétail et épargner l’argent restant. Plus tard, j’envisage de vendre d’autres biens comme du riz ou d’autres produits locaux », a affirmé Mme Sija.

Le secteur de la microfinance est apparu en 1990 à Madagascar, mais ce n’est qu’au cours des dix dernières années qu’il a connu une croissance rapide. Il représentait environ 22,7 milliards d’ariary (10 millions de dollars) en 2002 puis il a été évalué à près de 244,4 milliards d’ariary (112 millions de dollars) en 2011.

La microfinance est considérée comme un moyen d’aider Madagascar à atteindre certains de ses Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment celui d’éradiquer la pauvreté extrême. Le Fonds d’équipement des Nations Unies (UNCDF) indique qu’environ 85 pour cent de la population vit avec moins de 1,25 dollar par jour.

Les pauvres n’ont souvent pas accès aux services financiers et de crédit conventionnels : D’après certaines estimations, seuls 2 pour cent des ménages à faibles revenus peuvent accéder au crédit. À la place, ils s’adressent à des prêteurs informels, qui font payer des taux d’intérêt annuels de prêts non garantis 120 à 400 pour cent plus chers que le taux moyen des instituts de microfinance (IMF) qui est de 36 pour cent sur la même période, soit 2 à 4 pour cent par mois (le taux d’inflation annuel du pays s’élevait à 5,4 pour cent en mars 2013).

Le secteur de la microfinance à Madagascar compte environ 31 acteurs, dont l’État, les initiatives des investisseurs étrangers et des bailleurs de fonds. Il est défini par un cadre juridique et régi par la Banque centrale de Madagascar (BCM).

Depuis 2011, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’UNCDF gèrent conjointement le Programme d’Appui à la Finance Inclusive à Madagascar (PAFIM) d’une valeur de 350 000 dollars qui est proposé par trois IMF avec un taux d’intérêt zéro sur les prêts.

« Par ce mécanisme, nous avons bon espoir de briser le cycle de pauvreté causé par les dettes des agriculteurs défavorisés », a déclaré à IRIN Fatma Samoura, représentante nationale de l’UNDP.

Formation nécessaire

« Les Malgaches doivent travailler ensemble et les pauvres d’ici doivent avoir un accès direct au développement. Les produits sont là, mais les gens ont également besoin d’une formation suffisante pour y accéder », a déclaré Harinavalona Rajaonah de Ombona Tahiry Ifampisamborana Vola (OTIV), un des instituts de microfinance qui travaillent en partenariat avec l’UNDP.

« Nous avons essayé de mettre en place une culture d’accès au crédit ici. Le plus difficile est de changer la mentalité des gens », a déclaré à IRIN Jean Olivier Razafimanantsoa, directeur régional du réseau CECAM (Caisses d’épargne et de crédit agricole mutuelles) qui regroupe des coopératives d’épargne inscrites à la Banque centrale

« Nous collaborons avec d’autres organisations en ville, car certaines personnes sont affiliées à [d’autres IMF] et donc, elles contractent trop d’emprunts. De plus, les fermiers ont tendance à surestimer leurs besoins. Ils veulent que nous financions leur récolte rizicole, qui coûte 700 000 ariary (321 dollars), mais ils vont réclamer deux millions (917 dollars). Quand vous leur demandez comment ils sont arrivés à un tel montant, ils ne savent pas », a-t-il déclaré.

Tous ceux qui contractent un microprêt reçoivent des conseils professionnels, mais grâce à l’assistance technique et au financement par l’UNDP, les acteurs de la microfinance ont également mis en place des programmes de formation au microcrédit destinés aux groupes vulnérables.

L’un de ces programmes, dirigé par le réseau CECAM, cible principalement les femmes pauvres qui sont vendeuses ambulantes. M. Razafimanantsoa affirme que le programme a 1 303 clients, dont Mme Sija et d’autres femmes de St Augustin. Les femmes doivent épargner 200 à 400 ariary (0,09 à 0,18 dollar) par semaine, conformément à l’accord de prêt initial.

Elles ont ensuite accès au système de prêt qui comporte neuf cycles, le premier proposant un prêt de 80 000 ariary (36 dollars) au bénéficiaire. Chaque fois que les clients remboursent un prêt, ils peuvent en contracter un nouveau, avec des plafonds de prêt de plus en plus élevés, jusqu’à un maximum de 300 000 ariary (137 dollars). Les délais de remboursement vont de quelques mois à un an. Le programme propose aussi une formation de base sur la gestion financière, la planification familiale et les problèmes de santé.

Après avoir complété tous les cycles, les femmes ont droit d’accéder au système de microcrédit commercial normal.

« À l’heure actuelle, notre objectif est que ces femmes aient trois repas par jour et puissent nourrir leurs enfants, mais à long terme, elles doivent être capables de garantir la viabilité de leur activité commerciale et d’accéder au système CECAM ordinaire », a déclaré M. Razafimanantsoa.

Cyclone

Le plan d’économies hebdomadaires obligatoires sert de régulateur quand les temps sont difficiles, ce qui est particulièrement important dans un pays exposé aux cyclones.

Après le passage du cyclone Haruna à Madagascar en février, beaucoup de clients du réseau CECAM à Tuléar, la capitale régionale d’Atsimo-Andrefana, se sont retrouvés sans le sou.

« Pendant les premières semaines, nous n’avons accordé aucun nouveau prêt, car nous redoutions que les gens s’en servent juste pour manger. Nous aidons maintenant certaines femmes qui ont perdu leur maison à rééchelonner leur prêt », a expliqué M. Razafimanantsoa.

« Avant le microcrédit, je vendais 100 œufs par jour et, après, j’en vendais jusqu’à 300. J’ai pu envoyer mes enfants à l’école privée »
Originaire de Belem, un quartier de Tuléar, Prisca, 33 ans, qui n’a pas donné son nom de famille, en était à son deuxième cycle de crédit et utilisait l’argent pour acheter des œufs aux producteurs et les revendre sur le marché. « Avant le microcrédit, je vendais 100 œufs par jour et, après, j’en vendais jusqu’à 300. J’ai pu envoyer mes enfants à l’école privée et acheter quelques poules », a-t-elle déclaré à IRIN.

Mais elle s’est retrouvée sans domicile au lendemain du cyclone et vit désormais dans un camp de déplacés où elle partage une tente avec 10 autres personnes. « Nous sommes partis avec seulement les vêtements que nous portions. La première semaine, nous avons été hébergés dans l’école. Puis le BNGRC [Bureau national pour la gestion des risques et catastrophes] nous a apporté ces tentes », a-t-elle dit.

Prisca doit 44 000 ariary (20 dollars) au CECAM et, dans le même temps, elle s’est inscrite à un projet de rémunération en espèces du travail. « Nous travaillons pour réparer les routes contre 24 000 ariary (11 dollars) par semaine. Je veux d’abord rembourser [ma dette] au CECAM, car cela me permettra de prendre un nouveau prêt. Ensuite, je peux de nouveau gagner de l’argent et reconstruire ma maison petit à petit. C’est ce crédit qui assure nos besoins quotidiens », a-t-elle déclaré.

Au lendemain de la catastrophe, Mme Sija, la poissonnière, n’a pas regretté la condition du prêt qui rend l’épargne obligatoire. « Nous avons remboursé nos emprunts grâce à nos économies », a-t-elle dit. « Après le cyclone en février, nous avions eu du mal à payer, car il n’y avait plus rien à vendre, donc heureusement que j’avais mis de l’argent de côté ».

Commerces en expansion

Les programmes fonctionnent.

Hanisoa Ravalison, 43 ans, travaille dans un petit restaurant au bord de la route qui vend des saucisses et des repas simples dans le village d’Ambanitsena, à environ 26 km à l’est d’Antananarivo, la capitale. Après la visite d’un agent de OTIV chargé de trouver des clients éventuels, Mme Ravalison a décidé de développer son commerce.

« Au début, j’ai emprunté de l’argent pour la rénovation et l’agrandissement du snack-bar et pour l’achat d’un réfrigérateur », a-t-elle dit à IRIN. « Désormais, j’utilise l’argent pour acheter plus de biens afin de faire plus de bénéfices ».

Mme Ravalison en est à son dixième cycle d’emprunt sur les 12 cycles que propose l’OTIV, dont les prêts vont de 60 000 ariary (27,50 dollars) pour un prêt initial à un plafond de 440 000 ariary (201 dollars).

« Avant de suivre une formation, je me contentais d’utiliser l’argent que je gagnais pour acheter ce dont j’avais besoin. Maintenant, je sépare les dépenses personnelles de l’argent du commerce. Je sais également faire la différence entre les ventes et les bénéfices, et je sais que je dois investir une partie des bénéfices pour faire marcher l’entreprise ».

Quand les affaires marchent, son restaurant rapporte 85 000 ariary (39 dollars) par jour. « Pendant les vacances et les festivals, nous vendons jusqu’à 100 kg de saucisses », a-t-elle dit.

Son mari a ouvert un deuxième restaurant, et deux de leurs cinq enfants travaillent dans l’entreprise familliale. Mme Ravalison a expliqué que son nouveau projet d’entreprise était d’ouvrir un commerce de produits alimentaires.

Liva Harininana Ramanatenasoa a monté une petite entreprise de vente de charbon à Ambanitsena. « Un jour, un agent de OTIV est venu me voir et m’a expliqué que, grâce au microcrédit, je pouvais faire mieux », a-t-elle déclaré à IRIN.

Avec son premier prêt, Mme Ramanatenasoa a acheté plus de charbon. « Sans le crédit, je pouvais acheter 10 sacs maximum, mais grâce au crédit, je pouvais en acheter jusqu’à 22, donc je faisais beaucoup plus de bénéfices », a-t-elle dit.

Deux ans après sa première inscription au programme de microcrédit, Mme Ramanatenasoa a utilisé les bénéfices tirés de son commerce de charbon pour acheter les droits d’une carrière de pierres contre 200 000 ariary (90 dollars). Elle emploie maintenant 14 personnes. Les bénéfices de son entreprise lui ont permis de construire une maison et d’envoyer ses enfants à l’école.

« Sans le crédit, je serais toujours en train de vendre du charbon », a-t-elle dit.

ar/go/rz-fc/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join