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Intensification de la crise alimentaire dans le nord du Mali

In his garden in Gao, along the river Niger Ibrahim Yattara grows salad, carrots and tomatoes. The majority of the harvest becomes food for his family, while the surplus is sold at the market providing a much needed extra income for the family. Katarina Hoije/IRIN
Selon l’organe d’alerte précoce du gouvernement et les agences qui s’intéressent à la sécurité alimentaire, la faim a atteint un seuil de crise dans le nord de la région de Kidal et un seuil critique dans les régions de Gao et de Tombouctou.

Dans les régions de Gao et de Tombouctou, un ménage sur cinq est confronté à de graves pénuries alimentaires, tandis que dans la région de Kidal, un ménage sur cinq est exposé à la malnutrition sévère et à un accroissement de la mortalité.

La situation risque par ailleurs de s’aggraver au cours des prochains mois au fur et à mesure que la saison de soudure avance. La soudure est une détérioration saisonnière de la sécurité alimentaire qui se produit dans l’ensemble du Sahel.

Jusqu’à présent, les bailleurs de fonds se sont engagés à verser 28 pour cent des 139 millions de dollars demandés pour assurer la sécurité alimentaire et 17 pour cent des 73 millions de dollars demandés pour les interventions dans le domaine de la nutrition.

« Le problème, c’est que [la saison de soudure] commence alors que la population est déjà affaiblie. L’aide ne permet pas encore de répondre à l’ensemble des besoins. En outre, même si les conditions sécuritaires s’amélioraient brusquement dès demain, les ménages mettront du temps à reconstruire leurs moyens de subsistance », a dit à IRIN Cédric Charpentier, spécialiste des marchés d’Afrique de l’Ouest pour le Programme alimentaire mondial (PAM).

En janvier, les bailleurs de fonds ont promis de verser 455 millions de dollars pour soutenir la force internationale dirigée par l’Afrique au Mali. Dans ce contexte, certains craignent que la situation dans le nord du pays ne soit considérée d’un angle politico-militaire et que la vulnérabilité chronique des Maliens ordinaires ne soit négligée.

« La volonté politique d’intervenir dans le nord du Mali est très forte », a dit Frank Abeille, chef de mission au Mali de l’organisation non gouvernementale (ONG) Solidarités International, qui œuvre dans le nord du pays. « Ce dont nous avons besoin, c’est d’une motivation qui peut aussi s’adapter à la réalité sur le terrain : les véritables besoins sont humanitaires, pas militaires. »

Des marchés presque vides

Les marchés de la ville de Gao et des villages environnants sont presque vides. Par ailleurs, selon le Réseau de systèmes d’alerte précoce contre la famine (FEWSNET), les prix des céréales ont augmenté de 30 à 70 pour cent. La fermeture de la frontière algérienne et la fuite de la majorité des commerçants arabes et touaregs de Gao et de Tombouctou ont entraîné des pénuries de produits comme les pâtes, l’huile, le riz et le sucre.

Si les grands marchés céréaliers continuent de fonctionner, les marchés des villages sont désormais fermés. Les communautés rurales et les petits commerçants, dont un grand nombre de femmes, n’ont plus aucune ressource, selon Sally Haydock, la représentante du PAM au Mali. Selon les analystes de l’aide alimentaire, il est plus facile de se procurer les céréales de base – le sorgho, le millet et le maïs – qu’en février dernier, mais la situation est loin d’être idéale.

« Nous ne pouvons pas encore dire que les gens sont affamés, mais ce qui est certain, c’est qu’ils ne mangent pas comme ils le devraient », a dit à IRIN Oumar Hama Sangho, un résident de Gao qui vient tout juste de terminer d’évaluer la sécurité alimentaire dans la région.

« Vous allez au marché et il n’y a pas de fruits, de légumes, de viande ou de poisson... Il y a seulement du riz, du millet et du maïs, et ils viennent principalement du gouvernement et des organisations internationales. Jeunes et vieux survivent en mangeant ces céréales, mais ce n’est pas suffisant. »

Mahamane Touré, coordonnateur de l’ONG allemande Agro Action à Tombouctou, a dit à IRIN que l’insécurité avait empêché de nombreuses femmes de planter leurs légumes cette année et qu’elles n’avaient presque aucune ressource. « J’ai rencontré de nombreuses familles qui ne mangent qu’un repas de céréales par jour », a-t-il dit à IRIN.

Par ailleurs, la plupart des banques des régions de Gao et de Tombouctou sont fermées depuis la mi-2012, ce qui rend impossible toute transaction importante. Dans ce contexte, les fournisseurs s’abstiennent de conclure des marchés importants.

Si les conditions sécuritaires se sont améliorées dans la majeure partie des régions de Gao et de Tombouctou, la criminalité et le banditisme sur les axes routiers et en périphérie des villes demeurent endémiques et perturbent la stabilité des marchés alimentaires.

Selon plusieurs ONG, la majeure partie des denrées alimentaires et non alimentaires ne sont pas disponibles ou se vendent à des prix prohibitifs sur les marchés de la région de Kidal. Les résidents produisent très peu de céréales et sont dès lors très dépendants des marchés.

« La région est déjà très fragile », a dit Wolde-Gabriel Saugeron, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). « Les habitants n’ont pas suffisamment de semences pour planter cette année, et cela risque d’être encore plus difficile pour les personnes déplacées. Les éleveurs risquent quant à eux de rencontrer des problèmes graves en raison de la suspension des services qui leur sont généralement offerts. »

« La situation change quotidiennement et demeure instable dans l’ensemble du Nord », a-t-il ajouté.

Le CICR distribue des vivres à quelque 30 000 personnes – dont environ un tiers de déplacés – dans la région de Kidal et fournit de l’eau aux habitants de la ville de Kidal. Médecins du Monde (MDM) offre des soins de santé et une assistance nutritionnelle.

Les PDIP partagent leurs rations

Parmi les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) qui se sont entretenues avec IRIN à Sévaré, dans le centre du pays, plusieurs ont dit qu’ils envoyaient une partie de la ration alimentaire du PAM à leur famille demeurée dans le Nord.

Ahmed Maiga, un déplacé qui vit dans le camp de fortune de « La Maison des chauffeurs », à Sévaré, est récemment retourné chez lui à Gao pour voir comment se portaient les membres de sa famille qui avaient décidé de rester là-bas. « Je suis revenu parce que la vie est trop difficile là-bas – il n’y a plus de marchés. Les commerces sont vides. Tout ce que nous avions a été pillé... Nous envoyons une bonne partie de nos rations mensuelles à nos proches qui y sont restés », a-t-il dit à IRIN.

Jusqu’à présent, cette année, le PAM a distribué des vivres à quelque 90 000 Maliens du Nord par l’intermédiaire d’ONG internationales partenaires. L’agence envisage d’organiser davantage de distributions, mais l’accès demeure une préoccupation.

« L’une de nos principales préoccupations est de rétablir l’accès humanitaire. Le PAM pourrait ensuite rouvrir ses bureaux afin de venir en aide à un plus grand nombre de personnes et nos partenaires pourraient intervenir plus librement », a dit Mme Haydock.

Depuis 2012, un certain nombre d’ONG – Médecins sans Frontières (MSF), MDM, Action Contre la Faim (ACF) et Solidarités – sont impliquées dans des programmes de nutrition et d’autres programmes dans le nord du pays. Les responsables de ces ONG ont dit qu’il n’était pas trop difficile de négocier l’accès humanitaire avec les groupes armés non étatiques en 2012, mais que l’accès était maintenant plus problématique en raison de l’absence d’autorités administratives et d’une chaîne de commandement militaire claire.

ACF apporte son aide aux enfants souffrant de malnutrition modérée et sévère dans les districts de Gao, de Bourem et d’Ansongo et prévoit de procéder bientôt à une distribution ciblée [blanket feeding] impliquant jusqu’à 30 000 enfants de moins de deux ans. L’organisation tente également de trouver le moyen d’acheter des marchandises aux commerçants locaux afin de soutenir les entreprises locales.

Dans l’ensemble du pays, environ deux millions de Maliens ont atteint le seuil critique de la faim et quelque 660 000 enfants de moins de cinq ans risquent de souffrir de malnutrition sévère. Cette dernière estimation est cependant basée sur des chiffres tirés d’une étude réalisée en 2011.

Franck Vannetelle, le directeur pays d’ACF au Mali, a dit à IRIN que le nombre d’enfants souffrant de malnutrition avait augmenté au cours des derniers jours, mais que cela était peut-être lié au fait que les équipes mobiles avaient repris le travail, permettant du même coup à l’organisation d’identifier plus d’enfants à risque.

Le PAM intensifie les transferts en espèces dans le sud du pays et envisage d’y avoir aussi recours dans le Nord, mais les conditions préalables – disponibilité de la nourriture sur les marchés, retour des commerçants, réouverture des routes commerciales, reprise du fonctionnement des banques et amélioration des conditions sécuritaires – ne sont pas encore en place.

Des évaluations plus détaillées de la sécurité alimentaire devraient bientôt être menées dans le nord du pays. Il est cependant encore difficile d’obtenir des informations de la part des centres de santé, des familles, des commerçants, des responsables, des ONG locales, des transporteurs et des autres acteurs et de trouver du personnel qualifié capable de mener des analyses qualitatives détaillées de la vulnérabilité et de la faim dans cette région du pays.

aj/sd/rz –gd/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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