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Comprendre le groupe armé M23

Congolese refugees board a truck at Bunagana on the Uganda-DRC border heading to Nyakabande transit centre in western Uganda’s Kisoro District, 19 May 2012. Hundreds of Congolese refugees (30,000-40,000 refugee) have camped at Uganda-Democratic Republic Samuel Okiror/IRIN
Congolese refugees board a truck at Bunagana on the Uganda-DRC border heading to Nyakabande transit centre in western Uganda’s Kisoro District (May 2012)
Pour le profane, l’émergence du groupe armé M23 dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) peut sembler insignifiante. N’est-ce pas là qu’un groupe d’hommes armés parmi tant d’autres, contrôlant quelques kilomètres carrés de savane dans un pays grand comme l’Europe de l’Ouest ?

« Ce [M23] représente un changement de configuration et une évolution qu’il faut prendre au sérieux. [Ce mouvement] a déplacé plus de 200 000 personnes depuis avril, » a dit à IRIN Rupert Colville, un porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en poste à Genève.

Fin mars 2012, le général Bosco Ntaganda, commandant dans les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), a mené une mutinerie de 300 à 600 soldats, qui manifestaient ainsi leur mécontentement face au non-paiement de leurs soldes et à leurs mauvaises conditions de vie.

M. Ntaganda (surnommé « terminator ») avait été inculpé pour crime de guerre par la Cour pénale internationale (CPI) en 2006. Le 3 mai 2012, le colonel Sultani Makenga a fomenté une révolte apparemment distincte. Les deux hommes étaient pourtant membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), une milice créée en RDC par Laurent Nkunda avec le soutien du Rwanda voisin, avant qu’elle ne soit intégrée aux FARDC dans le cadre de l’accord de paix du 23 mars 2009.

M. Makenga aurait nié tout lien entre les deux mouvements. Pourtant, selon les analystes, ces deux mutineries, condamnées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, pourraient avoir été déclenchées en réaction à des indications selon lesquelles le président de la RDC, Joseph Kabila, était sur le point d’honorer ses obligations envers la CPI en arrêtant M. Ntaganda.

M. Colville a rapporté que de « sérieuses allégations » d’atrocités pesaient sur le haut commandement du M23, dont le nom fait référence à la date de l’accord de paix de 2009. Selon lui, c’est pour cette raison que la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a « mentionné le nom des responsables, contrairement à ses habitudes ... Elle a mis en garde contre les dangers du M23. »

Des « assassins notoires »

Dans un podcast des Nations Unies intitulé UN human rights chief fears more rapes, killings in Congo by M23 (la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme craint que le M23 entraîne une recrudescence des viols et des meurtres en RDC), M. Colville a dit que le M23 était « réellement un regroupement — au moins en ce qui concerne les dirigeants — de personnes bien connues pour avoir violé les droits de l’homme en RDC au cours des dix dernières années... une belle collection d’assassins notoires ».

Les commandants du M23 ont notamment recruté des enfants-soldats (récemment, 20 enfants-soldats de l’unité du M23 du colonel Innocent Zimurinda ont été libérés par les troupes des FARDC), et M. Colville craint que l’on assiste bientôt aux pires violations des droits de l’homme par le M23.

Le secrétaire général des Nations Unies a dit, dans un rapport publié en janvier 2012 sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) : « La majorité des actes de violence sexuelle commis dans l’est de la République démocratique du Congo sont le fait des groupes armés, surtout les FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda — créées par des responsables du génocide de 1994 au Rwanda], ainsi que des éléments intégrés dans les FARDC, notamment les transfuges du CNDP et d’autres groupes armés congolais ».

Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale d’International Crisis Group, a dit à IRIN : « Le M23 inquiète tout le monde, à cause de ses dirigeants et de leur implication dans des homicides. D’autant plus que l’accès à ces zones [contrôlées par le M23] est impossible pour le moment. »

Les responsables mentionnés par Mme Pillay sont, entre autres : M. Makenga, ancien commandant du CNDP impliqué dans le massacre de 67 civils à Kiwandja en 2008 ; le colonel Baudouin Ngaruye, soupçonné d’être mêlé au massacre de 139 civils à Shalio en 2009, alors qu’il était commandant des FARDC et, précédemment, du CNDP ; le colonel Innocent Zimurinda, accusé d’avoir « commandité les massacres de Kiwandja et de Shalio » ; et le colonel Innocent Kaina, qui aurait été impliqué dans une série de violations des droits de l’homme dans le district d’Ituri, dans la province Orientale, en 2004, lorsqu’il était membre — comme M. Ntaganda — de l’Union des Patriotes Congolais (UPC) et de son aile militaire, à savoir les Forces Patriotique pour la Libération du Congo (FPLC), dirigées par Thomas Lubanga Dyilo.

M. Lubanga a été la première personne reconnue coupable de crime de guerre par la CPI pour « l’enrôlement et la conscription » d’enfants-soldats.

L’accord de paix du 23 mars 2009 a entraîné une période de relative stabilité pendant quelques années dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, au cours de laquelle des milliers de combattants du CNDP ont intégré les FARDC. La plupart des commandants du M23 étaient membres du CNDP, qui était soutenu par le Rwanda voisin pour mener une guerre par procuration contre les FDLR en RDC.

M. Nkunda a cependant refusé d’autoriser à ses soldats à participer au programme de désarmement, démobilisation, et réinsertion de la mission des Nations Unies en RDC (MONUC, ancêtre de la MONUSCO). Il a préféré leur permettre d’intégrer les troupes des FARDC, sous réserve qu’il n’y ait pas de recyclage ni de transferts hors des provinces du Kivu. M. Nkunda se trouve actuellement au Rwanda.

Une chaîne de commandement parallèle

Selon un analyste qui a préféré garder l’anonymat, en raison de l’intégration des milices du CNDP dans les FARDC, il existe désormais deux chaînes de commandement. Par ailleurs, la demande des membres du CNDP de rester dans les provinces du Kivu peut être considérée comme une manière pour eux de remplir leur rôle de « protecteurs des Banyamulenge » — des migrants rwandais tutsi arrivés en RDC dans les années 1880 et reconnus comme citoyens congolais.

« Le processus d’intégration du CNDP en 2009 permet de comprendre la crise actuelle », a dit M. Vircoulon. « La hiérarchie militaire [du CNDP] n’a jamais été démantelée. Nous revenons à la situation d’il y a quelques années et l’histoire se répète. »

Dans un rapport publié le 4 juin 2012, intitulé Le Rwanda doit cesser d’aider un criminel de guerre présumé, Human Rights Watch a déclaré que le M23 était taillé dans la même étoffe que le CNDP et que le Rwanda aidait activement le nouveau groupe armé, comme elle aidait le CNDP auparavant. Le gouvernement rwandais de Paul Kagame a toujours nié ces allégations.

Un rapport du groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC devrait être publié très prochainement. Cependant, la publication d’une section traitant des allégations de liens entre le Rwanda et le M23 sera vraisemblablement reportée en raison d’un veto posé par un membre du conseil de sécurité.

Échec de la réforme du secteur de la sécurité

Selon un rapport élaboré en 2012 par un grand nombre d’organisations non gouvernementales internationales et congolaises, intitulé Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité, les cycles de violence dans l’est de la RDC sont la conséquence d’un « manque de volonté politique » de la part du gouvernement congolais pour mener à bien la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et de la « mauvaise coordination » des partenaires internationaux de la RDC.

Selon le rapport, l’aide publique au développement consacrée à la question du conflit, de la paix et de la sécurité ne s’est élevée qu’à 530 millions de dollars de 2006 à 2010, soit environ six pour cent de l’aide totale hors allègement de la dette. « Les dépenses affectées directement à la gestion et à la réforme du système de sécurité sont encore moindres, s’élevant à 84,79 millions de dollars US sur la même période, soit à peine plus de 1 %. »

La RDC est aux prises avec de nombreux groupes armés — de l’Armée de résistance du seigneur à l’Alliance des forces démocratiques dirigée par Jamil Mukulu, un rebelle musulman ougandais, en passant par les milices communautaires d’autodéfense Maï-Maï — et certains analystes considèrent les FARDC comme « un autre groupe armé » en raison de leur manque de discipline et de leurs violations attestées des droits de l’homme.

Un rapport publié en 2011 par le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) intitulé Small Arms in Eastern Congo, A Survey on the Perception of Insecurity (armes légères dans l’est de la RDC, enquête sur le sentiment d’insécurité) a montré que les FARDC étaient considérées comme la deuxième plus grande menace pour la sécurité, après les groupes armés.

Le rapport ‘Prendre position sur la RSS’ a révélé que l’opinion « dominante » selon laquelle il était trop dangereux d’envisager une RSS efficace devait être tempérée par les conséquences du maintien du statu quo et que « le plus gros risque de voir naître de nouveaux conflits provient du cœur-même des services de sécurité congolais, surtout des FARDC ».

« Il ne fait aucun doute que la réforme du secteur de la sécurité sera pénible à court terme mais, à long terme, les risques causés par une inaction seraient bien plus grands. Un nouvel effondrement de la RDC dans la guerre aurait un coût humain, politique et financier inimaginable, » précise le rapport.

go/cb- ld/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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