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Les droits des LGBTI ne sont pas encore reconnus

"Gai Jatra," a Nepali festival, has been celebrated for nearly a decade as a version of "LGBTI pride" Kyle Knight/IRIN
Au cours de ces dernières années, des progrès importants ont été enregistrés en matière de droits de l’homme relatifs à l’orientation sexuelle et à l’identité et l’expression de genre. Mais il y a aussi eu des revers non négligeables – allant des lois discriminatoires à l’impunité face aux actes de violence commis à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexuées (LGBTI).

« Soutenir l’action en faveur des droits des LGBT à travers le monde, c’est reconnaitre que la haine à l’égard des personnes LGBT est profondément ancrée dans les sociétés et qu’il est de la responsabilité des gouvernements de changer les mentalités et de protéger ces personnes », a dit Charles Radcliffe, Chef de la section des questions internationales du Bureau du Haut Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) des Nations Unies.

Le mariage entre personnes de même sexe est légal dans 17 pays et dans certains territoires de deux autres États. Quelques pays reconnaissent légalement le droit de définir sa propre identité de genre, l’Argentine et le Népal ayant ouvert la voie avant d’être rejoints par le Danemark. La décision rendue en 2014 par la Cour suprême indienne en faveur des droits des personnes transsexuelles a démontré la « possibilité de développer une jurisprudence spécifique à l’Asie du Sud sur les droits des personnes transsexuelles », a dit un spécialiste du droit, en évoquant des affaires présentées devant des tribunaux népalais et pakistanais.

L’Inde, le Népal et le Pakistan ont établi l’existence d’un troisième genre reconnu par la loi.

En mai 2014, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a adopté une résolution sur la « protection contre la violence et d’autres violations des droits de l’homme commises contre des personnes sur la base de leur identité de genre ou orientation sexuelle réelle ou supposée ». En juin, l’Organisation des États américains a quant à lui voté une résolution sur « les droits de la personne, l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre ».

L’homosexualité reste cependant considérée comme un crime, d’une manière ou d’une autre, dans 76 pays, et quasiment tous les pays du monde ont des lois qui empiètent sur les droits des personnes transsexuelles – et les exposent à des niveaux de violence parmi les plus élevés au monde. Les personnes intersexuées sont couramment soumises à de douloureuses opérations de chirurgie « correctrice » sans leur accord.

En décembre 2013, la Cour suprême indienne a remis l’Inde sur la liste des pays où les relations sexuelles entre personnes consentantes de même sexe sont illégales. Le même mois, le Parlement ougandais a voté une « loi anti-homosexualité » (Anti-Homosexuality Act, AHA). Sexual Minorities Uganda (SMUG) a publié une évaluation poignante – From Tyranny to Torment – sur l’impact de la loi sur la vie des Ougandais LGBT, notamment les arrestations arbitraires, les maltraitances et les extorsions commises par la police, la perte d’emploi, les expulsions et le sans-abrisme ainsi que les personnes LGBT fuyant leur pays. (Le 1er août, la Cour constitutionnelle de l’Ouganda a invalidé l’AHA pour des raisons de procédures, en indiquant que le quorum n’avait pas été atteint lors de l’adoption de la loi par le Parlement.)

Au début de l’année 2014, le Nigeria a adopté une « loi sur l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe » qui prévoit des peines de prison pour toute personne engagée dans une union homosexuelle ou qui facilite cette pratique et pour les organisations non gouvernementales (ONG) LGBT.

Les militants ont attiré l’attention sur les mesures insidieuses prises pour limiter les libertés des personnes LGBTI, notamment avec des campagnes contre les tentatives répétées de la Russie de proposer une résolution du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur les « valeurs traditionnelles » qui a été qualifiée de « rideau de fumée visant à masquer et légitimer l’exclusion des minorités et des groupes marginaux de la société ». En juin 2013, la Russie a voté une loi qui interdit « la propagande pour les relations sexuelles non traditionnelles ».

Les débats sur le fait que l’imposition des droits LGBTI soit une valeur « occidentale » sont nombreux et ils sont particulièrement vifs dans les moments explosifs tels que l’adoption de l’AHA en Ouganda. Un analyste a souligné la forte influence des évangélistes étasuniens qui influencent les débats autour de la sexualité en Ouganda, à coup de millions de dollars de financements. Le président ougandais Yoweri Museveni a rejeté les nombreuses critiques formulées par les gouvernements occidentaux à l’encontre de la loi et a établi un parallèle avec le fait de « dire à un homme marié comment s’occuper de son ménage ». Un autre observateur a affirmé : « L’action internationale autour de la loi semble avoir entraîné des réactions divergentes, faisant de la loi et de l’homophobie qui l’entoure des symboles de l’auto-détermination nationale ».

Dans son livre intitulé Sexuality and Social Justice in Africa, l’historien Marc Epprecht, soutient : « La montée de l’homophobie politique et religieuse n’est qu’un aspect de cette stigmatisation qui s’imbrique souvent étroitement avec l’antiféminisme, l’idée que l’Occident est responsable de tous les maux et d’autres rhétoriques xénophobes ».

« Le potentiel de réactions négatives à “l’impérialisme gay” occidental est d’autant plus important lorsque les médias occidentaux, les militants et les bailleurs de fonds pétris de bonnes intentions n’évoquent que les frustrations et les contretemps, envisagent toujours le pire, ne louent pas les réussites ou semblent ne pas les voir », a-t-il ajouté.

Les décisions prises par les agences internationales ont donné lieu à des débats sur les méthodes d’intervention adaptées pour la protection et la promotion des droits des LGBTI.

Ainsi, au lendemain de l’adoption de l’AHA en Ouganda, la Banque mondiale a reporté le versement d’un prêt de 90 millions de dollars au pays « pour s’assurer que ses objectifs de développement ne seront pas négativement affectés par l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi ». Jim Kim, président de la Banque mondiale, a qualifié la loi de « discrimination institutionnalisée » et a ajouté que ce genre de lois avait des répercussions négatives sur le développement.

Certains ont critiqué cette annonce, évoquant une décision malencontreuse de l’institution financière ou affirmant qu’elle a manqué son objectif, car l’argent prêté devait permettre de lutter contre la mortalité maternelle. Au lendemain du passage de la loi, les militants ougandais des droits des LGBTI ont publié des lignes directrices d’engagement, notamment pour demander que l’aide ne soit pas réduite.

Le local et le global

L’action internationale doit prendre en compte les nuances locales, selon les militants.

« La situation des droits des LGBT à l’étranger a peu d’impact sur la situation en Indonésie. Nous avons nos propres stratégies », a dit M. Hartoyo. En 2007, ce militant indonésien a été torturé par des policiers et des civils qui avaient découvert qu’il vivait avec son compagnon. En Indonésie, l’homosexualité n’est pas explicitement un crime. Mais selon un rapport rédigé par le Programme de développement des Nations Unies (PNUD) en 2014, « La police échoue souvent à protéger les personnes LGBT contre les attaques ».

« Le mouvement mondial devrait se concentrer sur la violence et ne pas seulement parler du mariage », a dit M. Hartoyo. « Cela fera ressortir de nombreux défis et cela créera des ennemis », a-t-il expliqué, en évoquant une lettre ouverte qu’il a écrite en 2013 après qu’un universitaire s’adressant au Parlement indonésien a affirmé que l’idée du mariage entre personnes de même sexe venait de l’Occident.

Neela Ghoshal, chercheuse principale sur les droits des LGBT à Human Rights Watch à Nairobi, a fait une mise en garde : « Alors que les mouvements LGBT basés aux États-Unis et en Europe mènent à bien leurs actions chez eux, ils découvrent le reste du monde et essayent de l’aider – mais ce genre d’engagement ne veut pas forcément dire qu’ils s’engagent de la manière la plus constructive ».

Mme Ghoshal évoque un projet auquel elle a participé en Tanzanie en 2013 et qui dénonçait les maltraitances subies par les travailleurs du sexe, les usagers de drogues et la communauté LGBTI. « Étant donné que les trois groupes étaient confrontés à des formes similaires de discrimination et travaillaient déjà ensemble, il n’aurait pas été logique de ne s’intéresser qu’aux LGBTI », a-t-elle dit.

Jessica Stern, directrice exécutive de la Commission internationale de droits de l’Homme pour les gays et lesbiennes (International Gay and Lesbian Human Rights Commission, IGLHRC), a raconté : « Un jour, alors que je visitais un pays qui avait encore une loi sur la sodomie, j’ai demandé aux militants locaux pourquoi ils ne faisaient pas campagne contre elle. C’était logique pour moi, ils semblaient être bien placés pour obtenir son abrogation, avec des alliés au sein du gouvernement ». Mais, selon Mme Stern, « les militants ont dit que les violences familiales les préoccupaient davantage – et que la loi sur la sodomie n’était pas leur principale préoccupation ».

Azza Sultan, présidente de Bedayaa, une organisation qui intervient auprès des minorités sexuelles et de genre de la région de la Vallée du Nil (en Égypte et au Soudan), a expliqué : « Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la situation et le contexte politique sont complètement différents [de ce que connaissent les militants occidentaux], ce qui veut dire que les priorités de notre mouvement sont différentes ». Elle a évoqué les « espaces sûrs » et les programmes de soutien psychologique offerts par Bedayaa, et les collaborations mises en place avec d’autres organisations pour combattre « l’ignorance et apaiser la peur ressentie par les autres militants et défenseurs des droits de l’homme qui travaillent sur des questions sensibles comme l’homosexualité dans nos pays ».

Selon Tarek Zeidan, organisateur au sein de Helem, une association LGBT du Liban : « Essayer de mesurer les progrès enregistrés dans le domaine des droits des LGBT en se basant sur des indicateurs tels que le mariage ou d’autres facteurs de visibilité peut entraîner des confusions ». Le 28 juillet 2012, 36 hommes ont été arrêtés dans un cinéma de Beyrouth en vertu de l’Article 534 du Code pénal libanais, qui criminalise « les relations sexuelles contre nature ». Ils ont été soumis à des examens rectaux « réalisés par des médecins légistes sur l’ordre d’un procureur public afin de “déterminer” si une personne avait eu des relations homosexuelles ».

« Après cet incident, le gouvernement a été critiqué et il a publié un amendement aux règlements et régulations pour que les médecins interdisent les tests, et les juges n’ont plus été autorisés à prendre en compte ces tests dans les dossiers traités », a expliqué M. Zeidan.

Azusa Yamashita, un activiste de Morioka, au Japon, a dit à IRIN que les indicateurs socio-économiques utilisés comme variables pour évaluer la situation des personnes LGBTI peuvent occulter la réalité.

« Nous entendons assez souvent nos compatriotes japonais, et même des militants, dire que nous n’avons pas de problèmes de droits de l’homme ici car nous sommes une société riche et industrialisée », a-t-elle expliqué, en évoquant un rapport rédigé en 2014 par l’IGLHRC et qui recense les violences et l’intolérance dont les personnes lesbiennes, bisexuelles ou transsexuelles sont victimes au Japon, en Malaisie, aux Philippines, au Pakistan et au Sri Lanka.

Selon Mme Stern, directrice de l’IGHLRC, « Le niveau de violence était terriblement élevé dans tous les pays où nous avons travaillé. Au Sri Lanka, par exemple, deux tiers de nos répondants ont fait état de violences physiques, la moitié a dit avoir subi des violences sexuelles et un tiers a indiqué avoir tenté de se suicider ».

« La majorité des personnes que nous avons interrogées au Japon nous ont dit avoir subi d’horribles violences, mais souvent cela devient un aspect normal de la vie », a dit Mme Yamashita.

Les efforts des Nations Unies

« Les Nations Unies mènent des dialogues diplomatiques dans le monde entier et la question des droits des LGBT a été évoquée dans le cadre de ces dialogues », a expliqué M. Radcliffe de l’OHCHR. « Mais les militants nous ont demandé de donner davantage de visibilité au message des Nations Unies – et [d’expliquer] que le système des Nations Unies les soutient tous à travers le monde ».

En 2013, l’OHCHR a lancé la campagne « Libres et égaux » (UNFE), une initiative mondiale qui a récemment publié une carte montrant que « Les LGBTI et les identités associées ont été présentes sous diverses formes tout au long de l’histoire ».

Aux Nations Unies, la question de la sexualité est difficile à aborder pour les militants.

« Les politiques sexuelles et les questions relatives aux droits de l’homme n’ont pas fait surface au cours de ces trois dernières années parce que Ban Ki-moon a commencé à en parler », a dit à IRIN Sonia Correa, coprésidente de Sexuality Policy Watch à Rio de Janeiro. « Des personnes courageuses ont commencé à en parler avant que cela ne soit acceptable d’un point de vue social, même aux Nations Unies ».

Au sein même du HCR, les discussions portant sur les droits des LGBTI restent tendues. « Historiquement, nous pensions que cela serait une source de discorde politique et il n’y avait pas de consensus parmi les États membres, alors il ne fallait pas en parler », a expliqué M. Radcliffe.

Selon M. Radcliffe, la nomination de Navi Pillay, vétérane du mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud, au poste de Haut Commissaire en 2008 a changé la donne. « Il a été conseillé à Mme Pillay de ne pas aborder la question [des droits des LGBT], car c’est une question qui divise, mais selon elle, il s’agissait d’une question de discrimination pure et simple », a-t-il dit.

Mark Bromley, président du Council for Global Equality, un organisme de défense des droits de l’homme basé à Washington, a dit qu’il était crucial d’attirer l’attention sur le comportement des États aux Nations Unies.

« En décembre 2008, une déclaration d’ouverture sur le thème des droits des LGBT a été présentée à l’Assemblée générale des Nations Unies. L’administration Bush a refusé de la signer », a dit M. Bromley, avant d’ajouter que depuis le changement de gouvernement en mars 2009, les États-Unis signaient les déclarations en faveur des droits des LGBT et adaptaient l’administration de leur politique étrangère pour recenser les violations à l’encontre des personnes LGBT.

En décembre 2010, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a appelé à la dépénalisation de l’homosexualité partout dans le monde. En juin 2011, le HRC a adopté une résolution sur les violences et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. La résolution prévoyait notamment l’élaboration d’un rapport de l’OHCHR sur les droits des LGBT dans le monde.

Lorsque le rapport a été débattu pendant la session de mars 2012 du HCR, les représentants d’environ 50 pays ont quitté la salle. « Au HCR, il est très rare de voir des gens sortir de la salle comme ça », a dit M. Radcliffe, « mais un nombre plus important de pays a décidé de rester plutôt que de partir et la discussion a été assez productive ».

Le chemin qu’il reste à parcourir

De plus en plus de recherches mettent en lumière les difficultés vécues par les LGBTI. Un guide portant sur la conception des sondages et rédigé par des chercheurs de l’Institut Williams, un groupe de réflexion des États-Unis, explique : « Les débats sur les politiques publiques ont accru la nécessité de disposer de données scientifiques de grande qualité sur […] l’orientation sexuelle ».

De 2009 à 2011, Sexuality Policy Watch a organisé une série de dialogues en Amérique latine, en Asie et en Afrique. En 2013, le PNUD et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) ont lancé une « étude participative et une analyse de l’environnement social et juridique des personnes LGBT » dans neuf pays d’Asie. En 2014, l’Institute for Development Studies a publié une boîte à outils baptisée « Sexuality and Social Justice », et la Banque mondiale a commandé une étude qui a évalué que le « coût de l’homophobie » en Inde s’élevait à plus de 30 milliards de dollars chaque année.

Un responsable de la Banque mondiale qui a pris la parole en juillet 2014 à l’Institut de développement d’outremer (ODI), a expliqué : « Je ne pense pas que les déclarations publiques de haut niveau et que la conditionnalité des prêts soient la réponse […] Les bailleurs de fonds peuvent soutenir [les organisations de la société civile] sur cette voie importante vers le développement inclusif […] Mais pour cela il faudra que les donateurs de l’aide comblent leurs lacunes en matière de connaissance sur les minorités sexuelles ». Le directeur de l’ODI a écrit : « La réponse internationale à la montée de l’homophobie a été mitigée et inefficace. Les gouvernements occidentaux ont beaucoup condamné et peu agi ».

Mme Stern de l’IGLHCR indique que l’action internationale – y compris l’aide financière – devrait être proactive.

« Les droits des LGBT ne seront pas reconnus au cours d’un seul cycle de financement de 12 mois, donc il faut investir dans les organisations et les personnes à long terme », a-t-elle affirmé. Et, selon Mme Correa, « Si vous travaillez dans une agence d’aide, vous devriez travailler avec la personne homosexuelle, transsexuelle ou le travailleur du sexe non pas parce que vous les voyez comme un vecteur ou une identité particulière, mais parce que vous croyez en la justice sociale et que vous savez que l’inclusion est la seule manière de l’obtenir ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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