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Tendre la main aux « donateurs émergents »

La Guyane, la Thaïlande, le Botswana, l’Afrique du Sud, la Pologne et le Soudan ont un point commun : ils ont tous répondu à l’Appel pour lutter contre la sécheresse dans la Corne de l’Afrique.

Tout en haut de l’échelle, avec la promesse de millions de dollars, se trouvaient la Chine (63 millions de dollars), l’Arabie Saoudite (60 millions), le Brésil (32 millions), les Emirats Arabes Unis (17 millions) et le Qatar (5,6 millions).

Selon le service de surveillance financière du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA), les donateurs hors CAD – c’est-à-dire les pays qui ne sont pas membres du CAD, le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’OCDE)) – ont déclaré 622 millions de dollars d’aide humanitaire en 2010 et assuré 6 pour cent du total de l’aide humanitaire déclarée entre 2000 et 2008.

Si l’on considère tous les types d’aide étrangère, on estime que, collectivement, les donateurs hors CAD ont donné 60 milliards de dollars en 2010, selon l’organisme de surveillance de l’aide humanitaire, Development Initiatives. L’ONU quant à elle estime que les donateurs non-occidentaux ont fourni près de 10 pour cent de l’ensemble de l’aide en 2008. Les échanges commerciaux sud-sud représentaient plus d’un quart du commerce mondial en 2008.

Une influence grandissante

Quoique pour beaucoup de donateurs hors CAD, les sommes consacrées à l’aide soient encore relativement peu importantes (l’Inde n’a déclaré que 36,5 millions de dollars d’aide humanitaire en 2010), les montants augmentent tous les ans (elle avait donné 200 000 dollars en 2000). Leur poids économique grandit (selon les prévisions, l’Inde devrait être la troisième économie du monde en 2020) et beaucoup d’entre eux veulent se débarrasser de l’étiquette qui les réduit au seul statut de « bénéficiaire », a indiqué Shoko Arakaki, directrice de la coordination des financements à OCHA.

Mais le pouvoir de ces nouveaux donateurs va bien au-delà de l’aspect financier. En 2010, non seulement le Brésil a été un important donateur pour Haïti, mais il a exercé une forte influence en dirigeant la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (la MINUSTAH). Selon le groupe de réflexion et de recherche allemand GPPi, le gouvernement [brésilien ] joue un rôle actif dans la préparation aux catastrophes au niveau mondial, par exemple au sein de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes (SIPC) et de la Facilité globale pour la réduction des effets des catastrophes et de relèvement (GFDRR)

Il est probable que l’influence de ces donateurs va continuer à croître, indique Claudia Meier, associée en recherche publique au GGPi, et pourrait transformer les agences de coordination et de responsabilisation, comme le CAD, qui jusqu’à présent sont restées relativement « fermées ». Parmi les donateurs émergents, seule la Corée du Sud a rejoint le CAD. Elle a également rejoint l’Initiative sur les bonnes pratiques en matière de donation humanitaire (GHD), aux côtés de la Pologne, du Brésil, de l’Estonie et de la Lituanie. Le GHD tend la main à la Turquie, la Croatie, les Emirats Arabes Unis et Singapour, pour les convaincre de se joindre au mouvement.

Selon Mme Meier, qui a écrit Humanitarian Assistance: Truly Universal? (L’aide humanitaire est-elle vraiment universelle ?) - une analyse des amorces de collaboration avec les donateurs humanitaires non-occidentaux - certains donateurs émergents évitent de devenir membres de ces structures parce qu’ils n’ont pas participé à leur mise en place.

C’est la raison que le Brésil a évoquée pour ne pas rejoindre le CAD. Beaucoup préfèrent des instances de coordination régionales, comme l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (l’ASEAN), l’Organisation de la conférence islamique (OCI) ou la Ligue des pays arabes, qui « jouent un rôle plus actif dans la coordination [humanitaire] ».

Comme Karin Christiansen, directrice de l’organisation britannique Publish What You Fund (PWYF ou Publiez ce que vous financez), l’a dit à IRIN, « le système aussi bien que les donateurs doivent changer.. Ce sont les donateurs émergents qui pourraient mener cette réforme…En fin de compte, il y aura de plus en plus de gens impliqués et il va falloir changer de langage. »

Les consortiums et les fonds communs, dans lesquels les donateurs, traditionnels ou non, versent de plus en plus d’argent, seront probablement responsables d’autres changements, a déclaré la directrice adjointe du financement à Oxfam, Suzi Faye.

Il faut aussi s’attendre à ce que les organisations de secours provenant des économies émergentes assument un rôle humanitaire international plus important, a dit Mme Meier. « Il se peut qu’une ONG indienne, une Croix-Rouge chinoise, un Croissant-Rouge des Etats du Golfe [émergent]… ils n’en sont pas encore tout à fait là, mais un certain nombre de signes de leur professionnalisation sont déjà visibles, » a t-elle ajouté.

Opportunités

Des opportunités sont créées par la diversification des donateurs, a indiqué Kerry Smith, chercheuse à l’organisme de surveillance d’aide humanitaire, Development Initiatives. Les donateurs émergents ont souvent tendance à être bénéficiaires et fournisseurs d’aide, et ont de ce fait une meilleure compréhension des besoins et des contraintes des pays en développement en cas de réponse à une situation d’urgence. L’Inde dispose de systèmes de gestion des catastrophes très sophistiqués, suite à des décennies de réponse aux catastrophes, et a aidé le Pakistan et l’Afghanistan – deux des principaux bénéficiaires de l’aide indienne - à mettre leurs propres systèmes en place.

Ces donateurs tendent souvent à privilégier une relation d’égal à égal, davantage fondée sur la solidarité, plutôt que la dynamique descendante [du haut vers le bas] traditionnelle du donateur envers le bénéficiaire, a dit Mme. Smith. Comme l’a dit le Brésil, « [le gouvernement brésilien pense que] la coopération en développement n’est pas limitée à l’interaction entre les donateurs et les bénéficiaires [et] il la conçoit comme un échange entre pairs, impliquant des bénéfices et des responsabilités mutuelles. »

Nombre de donateurs non-occidentaux ne font pas la distinction entre l’aide humanitaire à court terme et « l’aide au développement » à plus long terme, peut-être parce qu’ils savent que cette distinction est plutôt floue. Ceci pourrait contribuer à assurer la continuité du passage, habituellement sous-financé, des secours d’urgence à la phase de développement.

En outre, exploiter l’aide provenant des sources « nouvelles » peut dans certaines circonstances améliorer l’accès des agences humanitaires aux personnes démunies. En effet la plupart des travailleurs humanitaires reconnaissent que l’espace humanitaire s’est rétréci au cours des deux dernières décennies.

L’Inde, par exemple, est l’un des rares bailleurs humanitaires à ne pas être impliqué dans le conflit afghan. Au Myanmar, de nombreuses ONG soutenues par les pays occidentaux ont eu du mal à répondre au cyclone Nargis, mais celles qui travaillaient avec les donateurs de l’ASEAN ont pu intervenir plus rapidement, grâce, en partie, à la relation à long terme établie [par l’ASEAN] avec les autorités birmanes.

A U.N. soldier from Brazil is posted in Port-au-Prince, Haiti, Jan. 21, 2010, during Operation Unified Response
Photo: US Air Force/Master Sgt. Jeremy Lock
Le Brésil dirige la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti
Selon les politologues, il se peut aussi que les donateurs non-occidentaux soient plus sensibles au respect de la souveraineté d’un pays. L’Inde, qui avait refusé un déferlement d’aide après le tsunami de 2004, place ainsi la souveraineté au cœur de sa politique de réponse humanitaire. A l’avenir, les agences humanitaires devront s’efforcer davantage d’offrir « un soutien non intrusif », a écrit Randolph Kent, du Projet Humanitarian Futures dans Death of Hegemony (La mort de l’hégémonie).

« Quand les agences occidentales sont arrivées en foule après le séisme de Sichuan en Chine, les Chinois leur ont dit clairement qu’ils n’avaient pas besoin d’elles. De façon générale, si les Occidentaux veulent continuer à jouer un rôle humanitaire international, ils vont devoir faire preuve de plus de respect de la culture régionale, essayer de comprendre vraiment ce que veulent les gouvernements et les communautés des régions vulnérables aux catastrophes et bâtir des contacts dans ces régions bien avant une nouvelle catastrophe humanitaire, plutôt que de présumer des désirs et des besoins des victimes. »

Une politique de la main tendue

Au fur et à mesure  que l’image des donateurs évolue, les agences humanitaires commencent à tisser de nouveaux liens, mais trop lentement, selon Mme Meier. « Il n’y a pas encore assez de dialogue. »

Une exception au niveau des politiques est la plate-forme de dialogue humanitaire de l’ONU, présidée par la Suède et le Brésil, qui tente « de combler le fossé artificiel qui sépare les donateurs des populations affectées et d’impliquer tous les Etats dans des discussions sur l’aide humanitaire sur une base permanente », a indiqué Mme Meier.

Certaines agences onusiennes se sont efforcées de forger des relations avec les nouveaux donateurs ; c’est le cas notamment du Programme alimentaire mondial (PAM), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA), qui en 2008 ont reçu respectivement 2,5 pour cent, 1,7 pour cent et 3,6 pour cent de leurs financements humanitaires de donateurs hors CAD, après d’importants efforts de communication, en particulier avec les donateurs des pays du Golfe.

OCHA, qui coordonne le Fonds d’intervention d’urgence (ERF), le Fonds humanitaire commun (CHF) et le Fond central d’intervention d’urgence (CERF), a fait de gros efforts pour tendre la main aux nouveaux donateurs, a dit Mme Arakaki, et les résultats commencent à se faire sentir.

L’ERF et le CHF ont élargi leur base de donateurs au cours des 15 dernières années à 40 donateurs ; le Brésil, les Emirats Arabes Unis (E.A.U.) et le Mexique, le Nigeria et le Gabon sont parmi les 10 principaux donateurs du Fonds d’intervention d’urgence en Haïti, a t-elle ajouté.

Le CERF est encore plus diversifié avec ses 140 donateurs en 2010. Une caractéristique unique de ce fonds est que 40 de ses donateurs sont également des bénéficiaires. « Plus il nous arrive de nouveaux membres, plus cela sert d’exemple… Les donateurs ont réalisé que le donateur d’aujourd’hui peut être la victime de demain, » a dit Mme Arakaki.

L’attrait de ce genre de fonds communs pour certains donateurs est la facilité d’emploi : ils peuvent faire un chèque et OCHA se charge du reste. « Beaucoup d’entre eux veulent trouver le moyen le plus simple de donner de l’argent le plus rapidement possible, » a souligné Mme Arakaki.

Ceci s’applique particulièrement aux gouvernements qui n’ont pas le cadre juridique adéquat pour gérer et suivre un financement à l’étranger. La loi polonaise, par exemple, fait qu’il peut falloir trois mois pour verser de l’argent à une ONG nationale ou internationale ; selon Mme. Smith, de Development Initiatives, le gouvernement trouve donc nettement plus facile de donner à des fonds communs, aux agences des Nations Unies ou à la Fédération internationale de la Croix-Rouge.

Les montants concernés, cependant, sont encore faibles : en 2010, 90 pour cent du financement du CERF provenaient encore des mêmes 10 à 12 donateurs « traditionnels ».

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Que ce soit à cause du manque de clarté des amorces de dialogue, à cause de la préférence des donateurs émergents pour les fonds communs ou pour une multitude d’autres raisons, les ONG semblent suivre l’exemple des agences onusiennes dans leurs efforts de communication avec les nouveaux donateurs. La plupart des grandes ONG internationales sont en train de tisser des liens : Ainsi, selon son porte-parole Christopher Weeks, World Vision collecte des fonds en Thaïlande, aux Philippines, en Inde, en Malaisie, au Mexique, au Brésil, en Colombie et au Chili par le biais de ses bureaux nationaux ; les bureaux de Corée du Sud et de Taïwan versent désormais des fonds, au lieu d’en recevoir, a t-il ajouté. Mais les chiffres restent faibles.

La contribution des donateurs des pays du Golfe n’a été que de 1,5 million de dollars sur le budget annuel de 473 millions d’Oxfam, selon Mme Faye. Mais la mise en place de relations avec ces donateurs reste un objectif important. « Plutôt que de courir simplement après l’argent, nous essayons de bâtir de véritables partenariats, et de voir en même temps comment Oxfam peut avoir une influence sur eux au niveau des politiques choisies.

Le GPPi reconnaît les difficultés que constitue le choix des « points d’entrée dans le dialogue » : beaucoup de donateurs émergents, comme l’Afrique du Sud, n’ont pas de ministère du développement spécifique consacré à la gestion de l’aide humanitaire. Selon l’Overseas Development Institute (ODI, l’Institut du développement international), le Brésil dispose d’un système d’aide fragmenté, sans cadre juridique pour réglementer, suivre ou évaluer l’aide, et les motivations de l’Inde en matière d’aide restent largement inconnues.

Pour Mme Christiansen de PWYF, le niveau de transparence chez les donateurs peut « varier grandement » : A un bout de l’échelle, l’Estonie est « extrêmement transparente », mais la Chine n’est « pas aussi cachottière que tout le monde le pense », a t-elle dit. PWYF va publier en novembre un rapport sur la transparence chez les donateurs émergents. Et pour les donateurs qui sont encore en train de peaufiner leur système humanitaire et de financement du développement, « il y a avantage à mettre en place des systèmes transparents dès le début… S’il faut revenir en arrière, c’est beaucoup plus difficile, » a indiqué Mme Christiansen.

Pour que les relations se développent, les donateurs émergents ont besoin d’être mieux respectés, a dit à IRIN à Dakar le ministre responsable de l’aide internationale d’un pays donateur émergent. Beaucoup d’entre eux dispensent en effet de l’aide humanitaire depuis des décennies sans qu’on les ait remarqués. « On les a soudainement découverts comme des vaches à lait, mais ils n’ont toujours pas leur mot à dire dans la gestion internationale, » a ajouté Mme Meier.

Le CAD n’inclut toujours pas la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite ni le Brésil, et il n’existe pas de terrain de rencontre qui permette à tous les donateurs de discuter l’assistance humanitaire autrement qu’une fois par an à l’Assemblée générale et au Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies. « Ceci renforce le sentiment de participer à un projet occidental, » a fait remarquer Antonio Donini, chercheur au Feinstein Institute de l’Université Tufts.

Une ONG, One, appelle les donateurs émergents à rejoindre les structures de coordination existantes. Mais Mme Christiansen rappelle que ces structures doivent elles-mêmes changer pour mieux accueillir les nouveaux membres. Elle espère que la mise en place d’un dialogue entre les agences humanitaires dans un esprit de respect mutuel sera à l’ordre du jour au Forum sur l’efficacité de l’aide qui doit avoir lieu à Busan, en Corée du Sud, en novembre.

« Les choses risquent de devenir encore plus compliquées, avant qu’on puisse commencer à y voir clair. Mais c’est déjà une pagaille incroyable et ce qu’il nous faut, c’est un peu moins d’arrogance et un peu plus d’action, » a t-elle déclaré.

aj/mw-og/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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