Une personne va chercher ces médicaments, qui prolongent l’espérance de vie des personnes séropositives, dans un hôpital de São Paulo, une mégalopole brésilienne, puis les expédie par la poste à Bahia, une ville située dans le nord-est du Brésil, sur la côte atlantique. Un des amis de Carolina Pinto qui habite à Bahia réceptionne le traitement et le transmet à une autre personne qui se charge de l’apporter jusqu’à Luanda.
Ce long processus a débuté après que Carolina Pinto a développé une résistance aux ARV qui lui étaient prescrits. Désormais, la patiente a besoin de « médicaments de deuxième ligne », qui ne sont pas actuellement disponibles en Angola.
Caroline Pinto est une activiste membre de l’organisation non gouvernementale Luta pela Vida (Combat pour la vie en portugais). Elle a débuté sa thérapie antirétrovirale en 2001, et devait alors se rendre jusqu’à Pretoria, en Afrique du Sud, pour chercher ses médicaments.
A cette époque, le Brésil et l’Afrique du Sud étaient les deux seuls pays où les Angolais porteurs du virus pouvaient se rendre pour suivre un traitement ARV. Pour les malades sans ressources, leur survie dépendait du hasard : la Commission médicale de Luanda décidait à quelles personnes elle financerait ces onéreux déplacements.
Carolina Pinto faisait partie des chanceux sélectionnés par la Commission. Cependant, elle n’était pas toujours en mesure d’obtenir un titre de transport avant que ses trois mois de traitement reçu à Pretoria ne s’épuisent. Elle a donc été contrainte à interrompre son traitement à plusieurs reprises, et a développé une résistance à l’un des médicaments en 2005.
A l’heure actuelle, Mme Pinto vit dans la crainte que son colis mensuel expédié du Brésil n’arrive en retard en Angola et qu’elle doive encore interrompre son traitement.
« C’est une véritable torture », a déploré António Ribeir, coordonnateur du Réseau national de personnes vivant avec le VIH/SIDA. « De nombreux patients porteurs du virus vont de pays en pays pour recevoir un traitement ». (Voir encadré)
Ces questions complexes de logistiques seront néanmoins bientôt de l’histoire ancienne. Selon Ducelina Serrano, directrice de l’Institut national de lutte contre le sida (INLS en portugais), l’organe gouvernemental responsable des programmes de lutte contre le sida en Angola, le pays devrait recevoir d’ici peu des médicaments de deuxième ligne destinés à 1 500 adultes et 200 enfants.
Mais les médecins font devoir faire face à un autre défi de taille : savoir quand cesser de prescrire un traitement de première génération au profit d’un traitement de deuxième ligne. António Feijó, directeur de l’hôpital Esperança (Espoir en portugais) de Luanda, un hôpital de référence qui accueille des patients séropositifs, a expliqué que les tests permettant de déterminer une résistance médicamenteuse n’étaient pas encore disponibles dans tout le réseau sanitaire public du pays.
Ducelina Serrano a indiqué que le laboratoire de biologie moléculaire de l’Institut serait équipé de matériel nécessaire à la mesure de la charge virale d’ici la fin de l’année 2007.
Cependant, le pays ne dispose actuellement d’aucune donnée concernant les taux de résistance aux médicaments de première génération en Angola – un pays qui abrite 16 millions d’habitants et affiche un taux de prévalence du VIH de 2,5 pour cent.
L’INLS, l’Agence espagnole pour la coopération internationale et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sont en train d’effectuer une enquête menée sur deux ans afin d’aider à combler cette lacune.
Mauvaise observance des traitements
António Feijó a attribué le développement de résistances médicamenteuses en Angola à la mauvaise observance des traitements.
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M. Feijó a expliqué qu’avec le temps, la plupart des patients développaient une forme de résistance à un ou à plusieurs médicaments ARV.
« En règle générale, une résistance apparaît après quatre ou six années de traitement. Mais évidemment, cela dépend des individus et de l’observation du traitement », a-t-il indiqué.
Bien qu’ils soient considérés comme un progrès majeur dans la lutte contre l’épidémie, les médicaments de deuxième génération bientôt disponibles en Angola inquiètent les spécialistes sanitaires.
« Ce traitement présente des effets secondaires plus importants et exige de la part des patients une observance et un régime alimentaire strictes », a rappelé M. Feijó.
« Notre préoccupation est d’éviter un problème de santé public, car si les patients n’observent pas le traitement, cela pourrait entraîner une résistance généralisée », a précisé Ducelina Serrano.
En outre, Roberto Campos, un responsable du Programme commun des Nations Unies sur le sida, Onusida, a souligné que la responsabilité de suivre correctement un traitement n’incombait pas uniquement au patient.
« La clé de l’observance d’un traitement est un service sanitaire de qualité, des médecins omniprésents et un accès universel aux ARV. Il est également important de mettre en place des groupes d’entraide afin d’inciter les patients séropositifs à suivre leur thérapie ARV », a-t-il estimé.
António Ribeiro a indiqué que des groupes de soutien avaient vu le jour dans plusieurs provinces du pays.
Nouveaux objectifs
En juin 2007, 8 834 adultes et 429 enfants suivaient un traitement ARV en Angola.
D’ici 2008, l’INLS espère pouvoir tripler ce chiffre et proposer des médicaments à 25 000 patients. En outre, le gouvernement prévoit d’augmenter son budget destiné à la lutte contre le virus et d’allouer non plus 38, mais 45 millions de dollars à la lutte contre la pandémie.
Cependant, compte tenu de l’augmentation de la demande en médicaments de deuxième génération, qui sont plus onéreux que les traitements de première génération, les coûts vont certainement croître.
D’après M. Campos, afin d’éviter les surcoûts, une solution consiste à négocier avec les laboratoires qui fabriquent les médicaments.
« Les négociations peuvent être menées de deux façons : soit le gouvernement angolais traite directement avec les laboratoires pharmaceutiques, soit les prix sont négociés par la voie de la médiation, par l’entremise d’organisations internationales [de bienfaisance], comme la Fondation Bill Clinton », a-t-il dit.
Au mois de mai dernier, la fondation de l’ancien président américain Clinton a mené des négociations et est parvenue à faire chuter jusqu’à 50 pour cent le prix de médicaments de deuxième génération, qui coûtent en règle générale 10 fois plus cher que les médicaments de première génération.
Dans quelques temps, Carolina Pinto se rendra peut-être à l’aéroport pour accueillir, non plus son traitement, mais ses amis.
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